Frederico de Almeida Pinheiro: De l’aviation à la Légation portugaise en France. Accusation et disculpation

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Parmi les aviateurs portugais formés en France au cours de la I Guerre mondiale, Frederico da Fonseca Rosado e Almeida Pinheiro a un parcours qui dépasse son appartenance au Corps Expéditionnaire Portugais (CEP). Une photographie, proposée par la famille, le visualise posant au côté de Sarmento de Beires et d’autres pilotes portugais, à Juvisy (Essonne) en décembre 1917. Juvisy fait partie des nombreuses écoles militaires françaises de pilotage pendant la guerre.

 

Quelques éléments de biographie

Frederico da Fonseca Rosado e Almeida Pinheiro est né le 11 juin 1888 à Évora (Portugal). Il est fils du Général Frederico Augusto de Almeida Pinheiro et de Miquelina Amelia da Fonseca Pinheiro. L’histoire familiale raconte que cette dernière est le vrai général de la famille.

Lieutenant milicien de cavalerie figure sur le bulletin militaire visible aux Archives historiques militaires (1). Il s’engage dans l’aviation militaire portugaise et est envoyé en France le 28 juillet 1917. Il obtient un brevet de pilote à l’École militaire de Juvisy (2), le 2 décembre 1917.

Il est blessé à la jambe au cours d’un accident d’avion, le 15 janvier 1918. Evacué vers un hôpital, il s’éprend de l’infirmière Sofia Fialho. Elle devient sa compagne après le décès de sa première épouse Isabel da Silveira Machado de Vasconcellos Castelo Branco. Une photo jointe au texte le présente avec la jambe plâtrée, posée sur une chaise. Entouré d’autres militaires français et d’une infirmière, le Capitaine d’aviation est probablement dans un hôpital militaire en France. Un autre cliché le montre à Biarritz en 1918, en fin de convalescence? Dans un des nombreux hôtels aménagés en hôpital temporaire? Au couvent des Dominicains (vu le mur épais du bâtiment…)?

Sarmento de Beires, l’aviateur portugais cité plus haut, est ami d’armes de Frederico, y compris dans les écoles de pilotage en France. Il devient le parrain, d’un de ses fils, João de Almeida Pinheiro.

 

Présence à Paris

En février 1920, la «Revue interalliée pour l’étude des questions intéressant les Mutilés de la guerre» (4) présente les membres du Comité permanent interallié (CPI). Du fait de ses blessures, Frederico de Almeida Pinheiro est désigné par le Portugal pour représenter les invalides portugais et mutilés de guerre. Il est encore nommé dans la revue en 1921 et 1922.

En 1920, il est présent à la réunion internationale de l’aviation tenue à Anvers (Belgique).

En 1921, le Capitaine participe au I Congrès international de navigation aérienne et au 7ème Salon de l’aviation à Paris. Vitorino Henriques Godinho (3) est attaché militaire du Portugal à Paris à l’époque. Almeida Pinheiro est son Adjoint.

Le 1er mars 1921, le journal Le Populaire (4) raconte un accident d’automobile qui implique le Capitaine Almeida Pinheiro. Les courses sont relatives à son important commerce de sardines et ses allers-retours France-Portugal. Il est condamné à une amende, il fait opposition de la décision. Pour l’histoire, une déclaration franco-portugaise du 15 octobre 1917 sème le doute car elle précise que pendant la Guerre, les tribunaux de l’armée portugaise sont seuls compétents à l’égard des soldats portugais. Mais la Guerre est finie, la question se pose pour la première fois. Almeida Pinheiro est jugé en tant que chef d’entreprise ou militaire? La décision du tribunal est de mettre en sursis, en attendant de connaître l’interprétation des textes de cette Convention d’octobre 1917.

Le journal Comoedia (4) du 8 juin 1922 précise qu’il fait une conférence à la Société de géographie sur le thème de «La Colonie portugaise d’Angola et son développement». Angola où il est présent pendant la Guerre, avant son arrivée en France et où il perd sa première épouse en 1917.

La fonction qui lui est donnée dans un article de presse du journal La Croix du 2 février 1923 interpelle: «Délégué à la conservation des tombes des soldats portugais morts en France». Si tel est le cas, il a forcément connu le I Président de la Commission Portugaise des Sépultures de Guerre (CPSG) mort en 1921 à Paris, à l’Hôtel du Brésil et du Portugal, Maximiliano Cordes Cabedo (5).

 

Un secret de famille livré après une longue enquête: Procès politique, accusation, évasion…

C’est la famille de l’aviateur Frederico de Almeida Pinheiro qui apporte des documents – ils sont joints au texte – pour proposer son parcours militaire et les décorations obtenues. Une enquête approfondie est menée par le petit-fils Luis et l’arrière-petit-neveu Jonathan, pour dénouer le vrai du faux, dans des faits d’après-Guerre qui l’ont mis en cause et accablé d’accusations, faux-chèques et falsification de documents, lorsqu’il est en fonction à la Légation portugaise à Paris.

Frederico a connu un long emprisonnement de plus de 10 ans sans jugement, puis un procès qui l’a disculpé en 1935. C’est ce que révèle l’enquête familiale.

Luis Alberto n’a pas connu son grand-père Frederico. Il garde une grande fierté de ses actions en faveur du Portugal, lorsqu’il est en Angola, à la frontière avec la Namibie, en guerre contre les Allemands. Aussi lorsqu’il prend part à la défense de la République en 1919 lors de la révolte de Santarém. Frederico décède dans les années 40, entouré de sa famille aimante, qui l’a toujours considéré comme un «héros».

Jonathan est l’arrière-petit-neveu de Frederico, frère de son arrière-grand-mère Beatriz Fonseca Rosado Almeida Pinheiro. Il vit au Brésil comme la majorité des descendants de Frederico. Au cours des années 1950-60, la famille déménage en Angola ou au Brésil, à la recherche de meilleures opportunités de vie et pour fuir Salazar.

Jonathan aime l’histoire et raconte sa fascination pour celle de Frederico, de son procès, de ses persécutions. Il persévère dans la recherche de la vérité, malgré la volonté de silence et la peur familiale concernant son enquête. L’histoire qu’il a entendue, le long emprisonnement de Frederico sans jugement, le procès «des années après» qui le disculpe des accusations de falsification de documents, tout est prouvé ou peut l’être. Aujourd’hui encore, ses proches ont peur des conséquences de ces révélations liées à la dictature militaire. Il leur rappelle que tout le monde est mort et qu’aujourd’hui les livres sont nombreux pour raconter l’évasion du prisonnier politique António Maria da Silva, Ministre portugais après-guerre. Evasion à laquelle a participé Almeida Pinheiro alors emprisonné.

Quelques mots concernant cette évasion: Frederico et d’autres prisonniers, construisent un tunnel. Tous les jours, après l’école, les enfants de la famille de Frederico, sous prétexte de la visite aux prisonniers, remplissent leurs sacs de sable et aident à la construction du tunnel. En 1927 le tunnel prêt, le fils aîné de Frederico attend la nuit dans un bateau sur la rivière et le Ministre s’évade. L’histoire familiale raconte que Frederico ne veut pas s’enfuir avec António Maria da Silva, voulant être jugé en bonne et due forme, «car innocent» et acquitté.

 

Une histoire familiale lourde de ressentiments, livrée des décennies plus tard, merci à Luis Almeida Pinheiro et Jonathan Machado pour la diffusion des photos et documents familiaux.

 

Sources:

(1) Archives historiques militaires portugaises (AHM).

(2) Ecole militaire de pilotage de Juvisy – Port Aviation sur le site albindenis: http://albindenis.free.fr/Site_escadrille/Ecoles_Juvisy.htm

(3) Vitorino Henriques Godinho sur LusoJornal: https://lusojornal.com/lille-ville-portugaise-le-temps-dune-journee-doctobre-1920/

(4) La presse française après-guerre, Bibliothèque nationale de France Gallica.

(5) Maximiliano Cordes Cabedo sur LusoJornal: https://lusojornal.com/i-guerre-mondiale-le-suicide-de-maximiliano-cordes-cabedo-au-grand-hotel-du-bresil-et-du-portugal-a-paris/

 

Pour ceux qui souhaitent approfondir l’histoire politico-militaire au Portugal, voir les mots-clés en ligne «La Révolte de Santarém», «Les débats parlementaires», «Les Diaros de Lisboa». L’évasion du Ministre est racontée dans l’illustration portugaise.

 

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