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Il y a tout juste 80 ans, José dos Santos était fusillé à la citadelle d’Arras: émouvant témoignage de sa petite fille

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LusoJornal le 22 mai dernier a évoqué le sort de deux portugais fusillés à la Citadelle d’Arras pendant la II Guerre mondiale (1). Notre article a fait réagir la famille d’un des deux fusillés, José dos Santos. Nous avons été contactés par Joëlle et Cyrille Degauque. De nos échanges, l’idée nous est venue de nous rencontrer dans la Citadelle, à l’occasion des 80 ans de l’horrible drame du 4 novembre 1942.

Le couple nous a rejoint à Arras pour évoquer la mémoire de leur familier, Cyrille Degauque effectuant depuis quelques mois des recherches généalogiques plus approfondies sur José dos Santos.

LusoJornal, a pour l’occasion interviewé Joëlle Degauque.

 

Qu’êtes-vous par rapport à José dos Santos?

Joëlle Degauque, née Bacquet, sa petite fille. José est mon grand-père maternel, je ne suis pas la seule, il y a aussi quatre autres petites-filles et un petit-fils. José a eu deux filles de son mariage, en 1934, avec Juliette Hébant de Camblain-Châtelain (62): Camille et Georgette. Ma maman Camille Bacquet, née Dos Santos, née en 1926, a eu trois filles et un garçon, ma tante Georgette Benoit, née Dos Santos, est venue au monde en 1929, elle a eu deux filles.

 

Quel sentiment d’être en ce lieu pour, d’une certaine façon, rendre hommage à votre ancêtre, José dos Santos?

Un sentiment de recueillement en pensant à ma mère, sa fille ainée, à ma tante, son autre fille, et surtout à ma grand-mère, son épouse d’avoir perdu leur père et son héros de mari fusillé en ce 4 novembre 1942… mais que la vie fut dure par la suite, il leur a fallu survivre jusqu’à la fin de la Guerre et ensuite faire reconnaitre José comme Mort pour la France, ce fut bien la moindre des choses, malgré qu’il ne soit pas naturalisé. Un sentiment de courage pour ce jeune Portugais venu clandestinement de son Portugal natal vers 1921, il avait à peine 16 ans et demi, et passé directement d’un monde rural et peu scolarisé à une vie urbaine en pleine transformation, il avait certainement anticipé la future dictature qui a sévi dans son pays à partir de 1926. Engagé volontaire FFI-FTPF, de janvier 1941 au 4 novembre 1942, reconnu au grade d’Adjudant. Un sentiment de fierté, d’avoir défendu au prix de sa vie, les valeurs de Paix, de la Fraternité, d’Égalité et surtout de la Liberté. Il n’en n’aura pas profité comme beaucoup de ses camarades, notre génération peut leur dire merci. A la date de son exécution, en 1942, José n’avait aucune difficulté avec la langue française, il s’exprimait dans un français impeccable et n’hésitait pas à discuter avec les habitants de Divion et de Calonne, il était connu comme quelqu’un de serviable. Un sentiment d’honneur. José, même sous la torture, n’a dénoncé aucun de ses camarades. Des années plus tard, Jules Tijon de Calonne Ricouart, Conseiller municipal, membre de ce réseau et interpellé également en même temps que José, a été confronté à José lors des interrogatoires à Béthune. Jules Tijon a témoigné de son vivant en ce sens, celui-ci a purgé 18 mois de prison, faute de preuves, il a échappé de ce fait à l’exécution. Des articles de presse ont été publiés dans la Voix du Nord, suite à son témoignage.

 

Comment avez-vous pris connaissance de l’histoire de José dos Santos?

Tout simplement par les récits de ma mère, qui avait 16 ans lors du décès de son père et qui, elle aussi, a participé à quelques actes de résistances, distribution de tracts… Des lieux que j’ai visité ont le nom de José dos Santos inscrits: Monuments aux Morts des fusillés de la ville de Divion (Pas-de-Calais), une rue de Divion porte son nom, le mur des Fusillés à la Citadelle d’Arras, à la Coupole, à Saint Omer.

 

Êtes-vous dépositaires de souvenirs de José dos Santos?

Oui, mais pas grand-chose en réalité. Rien de sa vie au Portugal, quelques photos, livret de famille, acte de naissance et parcours ouvrier en France. Il a exercé en tant que verrier à son arrivée en France, à 16 ans et demi du côté du Sud-Ouest de la France. En tant que bon Portugais, il est passé par Lourdes pour se recueillir, toujours verrier du côté de Reims, puis arrivée à la verrerie de Calonne Ricouart dans le Pas-de-Calais. C’est là qu’il fera connaissance de sa future femme, elle-même employée dans la même verrerie. Ensuite départ pour le Nord, avec son épouse et ma maman, pour la Verrerie Wagret, à Escautpont, finalement retour dans le Pas-de-Calais, à Divion, au coron Pâques, qui porte son nom actuellement, pour occuper le métier de mineur à la Compagnie des Mines de la Clarence. Son parcours et métiers se résume ainsi: Verrier de juin 1921 à 1934, arrivée en France vers juin 1921, verrerie région Sud-Ouest, région de Limoges, région de Reims jusqu’à 1924, Calonne Ricouart (Pas-de-Calais) de 1924 à 1929, Escautpont (Nord), de 1929 à 1934. Mineur de 1934 à novembre 1942, Compagnies des Mines de la Clarence, à Divion.

 

Savez-vous si José dos Santos a de la famille au Portugal, à Valtorno? Êtes-vous déjà allé à Valtorno (Vila Flor)?

Eh bien oui, nous y sommes allés au village de Valtorno en 1997 et 1998, nous y avons encore de la famille. José avait deux frères et une sœur. Son frère Manuel est resté à Valtorno et a eu une descendance que nous avons rencontrée. Son second frère, Germano, est parti au Brésil, il serait devenu curé. Nous regrettons de ne pas avoir d’informations de sa sœur Maria Camila. La maman de José avait trois frères partis au Brésil, un frère, Joaquim Lopes, est resté à Valtorno et a une descendance que nous avons également rencontrée, nous avons même été hébergés chez eux lors de nos séjours. Nous avons été superbement bien accueilli, chez des gens qui nous ont ouvert leur porte, comme si l’on était de leur propre famille.

 

Pensez-vous important de préserver la mémoire de votre familier?

Oui, c’est important, car la liberté est un bien précieux, il suffit de regarder ce qu’il se passe en Russie et en Ukraine, rien n’est jamais acquis. En France sa mémoire est préservée pour l’éternité dans plusieurs lieux, à Arras, au Mémorial du mur des fusillés, à Divion où il repose avec ses camarades de combat, à la Coupole à Eperlecques où une salle avec photos est réservée aux fusillés de la guerre 1939-45. Pour fermer la boucle, il ne reste plus qu’à l’honorer dans son propre village au Portugal, à Valtorno, ça serait un formidable geste de fraternité et de retour aux sources pour le Souvenir de José.

 

La génération qui vous suit est-elle prête à préserver et à transmettre la mémoire, le souvenir de José dos Santos?

Mon mari y travaille par le biais de la Généalogie et en parle à notre petit-fils qui est déjà passionné par l’histoire. Il a connaissance du parcours de José, son arrière-arrière-grand-père.

 

(1) https://lusojornal.com/deux-resistants-portugais-fusilles-pendant-la-ii-guerre-mondiale-dans-la-citadelle-darras/

 

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