LusoJornal | António Marrucho Home Opinião Opinion : La corrélation entre tourisme et augmentation du vote extrême droite au PortugalAntónio Marrucho·20 Maio, 2025Opinião Il n’y a pas une vérité, mais des vérités, même si à la suite d’une nuit électorale, tous les dirigeants des partis politiques prétendent avoir raison. Peut-on prétendent avoir toute la vérité ? Non. Nous voyons dans l’augmentation du tourisme au Portugal, comme étant une des raisons de l’augmentation du vote dans le Parti Chega, d’extrême droite. Explications : Depuis trois décennies, le Portugal a mis en place une politique qui consiste à favoriser le tourisme, une certaine «retraite dorée» avec à la clé, l’exemption d’impôts. On a favorisé les riches à venir au Portugal, on a créé les Golden Visa, le tourisme de masse s’est développé. Le 26 août 2019, dans les colonnes de LusoJornal, nous écrivions un article d’opinion intitulé : «Le Portugal, les inconvénients du succès ou l’autre face du tourisme» (lire ICI), le 18 octobre 2023 nous écrivions un deuxième article avec l’interrogation : «Trop de tourisme au Portugal?» (lire ICI). En favorisant le tourisme pour les riches et en clamant, pour ceux devenus résidents, qu’ils ne paieront pas d’impôts, le Portugal récupère 2 milliards d’euro, mais les Portugais finissent par payer, d’une autre façon, les conséquences de cette politique. À ces avantages fiscaux, des Portugais se posent la question : pourquoi les riches, venus d’ailleurs, ont cet avantage et nous, en doit payer des impôts et subir d’autres méfaits ? Le tourisme a fait augmenter le prix de l’immobilier au Portugal d’une façon générale. Les affichettes avec le terme AL (Alojamento Local) se sont multipliées, des maisons et appartement loués Airbnb. Des quartiers entiers des grandes villes deviennent du AL, on expulse des Portugais qui habitaient les centres-villes depuis des décennies, qui sont nés là, vers la périphérie, des municipalités voient un certain type d’électorat partir, ce qui conduit à des changements de gouvernance partisane au niveau municipal. De passage par Porto, dans une maison juste à côté de la Torre dos Clérigos, nous lisons sur une banderole déployée sur la façade, en 2018 : «O meu nome é Era. Já era. O meu nome é Maria, fui para a periferia» : un jeux de mots avec le nom de l’agence immobilière Era et le fait que Maria a dû déménager à la périphérie. L’Airbnb provoque la rareté de biens à louer. Les loyers finissent par augmenter considérablement. Les loyers augmentant, difficile pour les Portugais lambda d’acheter ou de louer. Au même moment, les taux des prêts augmentent, ceux qui ont des prêts en cours, voient le montant de l’échéance monter, les prêts immobiliers aux Portugal étant majoritairement à taux variable. Les jeunes ne pouvant pas acheter, restent de plus en plus longtemps chez les parents, le phénomène Tanguy. Les couples se créent plus tardivement, avec, en surplus, les incertitudes nationales, internationales, les difficultés du jour à jour. Le résultat ? Les couples font moins d’enfants. Le taux de natalité au Portugal est l’un des plus faibles en Europe (1,3 enfants par couple). La faible natalité conduit à un manque de travailleurs, dans certains secteurs au Portugal : restauration, cafés, commerces, certaines industries, agriculture, bâtiment… Le Portugal, pour continuer à se développer, pour faire face aux répercussions post-Covid, avec l’installation de nombreuses industries étrangères, doit faire appel à l’immigration. D’un pays essentiellement d’émigration, le Portugal devient un pays d’immigration, 10% de la population du pays est immigré. Le Portugal voit arriver beaucoup de brésiliens (restauration, cafés, ménage), des asiatiques pour les industries et agriculture. Une certaine classe de la population portugaise, juge qu’ils sont moins favorisés que l’immigré qui arrive (difficulté dans les services médicaux, accès aux crèches pour les enfants). Les jeunes portugais sont, par ailleurs, parmi les mieux formés en Europe. Le problème arrive à la fin des études. Les salaires ne correspondent pas aux efforts individuels et familiaux faits pour la formation. Le résultat ? Entre 60 à 70% des 50 mille jeunes qui terminent les études par an, souhaitent partir à l’étranger travailler. Il y a encore peu d’années, on disait qu’au Portugal «on fait un repas entier pour 7 à 10 euros». C’est encore possible, mais cela devient vraiment rare, à moins que cela soit dans un petit village de l’intérieur du Portugal. Il y a un an et demi, à Porto, nous avons bien cherché, mais nous n’avons pas trouvé un simple plat à moins de 13,50 euros. Si l’on ajoute une entrée ou un dessert, le prix d’un repas correspond au salaire journalier d’un ouvrier. Rappelons qu’au Portugal il y a bien peu de temps, possédait 5 fois plus de restaurants et cafés que la moyenne en Europe et que le portugais dépensait en moyenne 12% de son salaire au restaurant ou dans les cafés. Le développement qui a ses bienfaits, a des répercussions parfois néfastes pour une catégorie de la population. Je donne ici l’exemple de Fundão, d’où nous sommes originaires. Je ne dis pas qu’il ne faut pas se développer et voir surgir de nouveaux services, je dis que cela peut avoir des conséquences. Il y a quelques années, à Fundão, il y avait des bâtiments commencés, mais pas terminés. Des nouvelles industries, de nouveaux services sont arrivés ces dernières années, avec la migration vers l’intérieur, vers Fundão, des personnes qualifiées avec un certain pouvoir d’achat. La conséquence est que, les loyers ont augmenté ainsi que le prix de l’achat immobilier, prix qui a augmenté aussi post-Covid avec l’achat et la location de biens, par des citadins des grandes villes désireux d’habiter des zones plus calmes, plus à l’intérieur. Tout ceci a pour conséquence que la population locale a du mal à acheter, voire à se loger. Par ailleurs, le Portugal n’est-il pas en train de vivre ses «vaches grasses» pour certains, avec des conséquences à court, voire à moyen terme ? Louer en Airbnb ou autres, faire du tourisme au Portugal, est en train de devenir cher, même pour les touristes étrangers, bien plus encore pour les Portugais. Pour l’instant il y en a qui profitent, y en a qui sont mécontents et subissent ces augmentations, la classe moyenne est touchée et a du mal à faire du tourisme à l’intérieur de son propre pays. Les touristes étrangers, d’ici peu, ne vont-ils pas se tourner vers d’autres pays, parfois proches, mais moins chers que le Portugal ? Toutes les augmentations ne se sont pas répercutées sur l’augmentation correspondant des salaires, ceci conduit à un mécontentement explosif, exploité par certains. Le Parti Chega a été créé en 2019. Aux élections législatives de la même année, il obtient 1,29% des voix avec un Député. Ce 18 mai, Chega obtient 22,56% des suffrages et élit 58 Députés sur un total de 230, autant que le PS, alors qu’on ne connaît pas encore le résultat des votes des émigrés (4 Députés). Nous ne prétendons pas détenir la vérité ou toute la vérité. Nous voyons une des causes de l’augmentation du score du Chega, en partie, en corrélation avec le tourisme. Il y a eu, aussi, des erreurs stratégiques dans ces élections, chez certains Partis, cela est une autre histoire, que bien d’autres racontent ou peuvent venir à raconter. À l’intérieur du Portugal, des Partis disent du mal de l’Europe, ils voudraient même s’en séparer, alors que le Portugal est de plus en plus proche de cette Europe où l’extrême droite progresse.