Participation portugaise à la Grande Guerre: repères nécessaires à connaître

Les guerres sont des drames, des lieux détruits, des mémoires effacées, des hommes qui laissent leur vie alors qu’ils sont souvent dans la fleur de l’âge, des familles qui doivent se reconstruire, c’est tout cela qui reste.

Les chiffres, les statistiques sont là pour aider à comprendre l’ampleur de la catastrophe, du gâchis humain.

Les statistiques de guerre son toujours d’une grande difficulté à certifier… et il y a le puriste qui passera toute une vie pour essayer de les rendre le plus fiables possible.

Nous nous risquons en donnant ici des chiffres, des déductions sur la participation portugaise à la Grande Guerre à partir du rapport édité à Lisboa en 1937 par le Ministério da Guerra, 3era Direção Geral do Estado Maior do Exército, Serviço das Sepulturas de Guerra no Estrangeiro. Le rapport a pour titre: «Relação dos militares Portugueses sepultados nos Cemitérios de Richebourg l’Avoué, Boulogne-sur-Mer e Antuérpia».

À l’époque sur 55.000 Portugais qui ont été mobilisés pour la première Guerre en France, on comptait 2.089 morts et 191 disparus, le total des deux étant de 2.280.

Ce chiffre est à mettre en rapport avec les 2.266 soldats portugais morts inscrits dans L’Anneau de la Mémoire.

Nous avons entamé plusieurs démarches pour récupérer les noms de ces derniers, sans succès.

Des 2.089 morts, 1.844 ont une tombe reconnue, les 205 restants ont des tombes non identifiées ou ils n’ont pas de sépulture.

Des 1.884 qui ont une sépulture connue, 242 sont des soldats inconnus. 238 de ces derniers sont à Richebourg, 2 à Anvers et 2 à Salomé.

Les 1.884 répertoriés se distribuent ainsi: 1.831 dans le Cimetière Militaire Portugais de Richebourg, 44 dans de Cimetière Est de Boulogne-sur-mer, 7 à Anvers et 2 à Salomé.

À ces 1.884 répertoriés à l’époque, il faudrait ajouter tous ceux faits prisonniers qui seraient morts et enterrées en Allemagne, France, Belgique, Hollande et Portugal dans des cimetières connus (37) et 76 sans cimetière connu.

De noter l’effort immense des autorités portugaises de l’époque et du Consul honoraire du Portugal à Arras pour rassembler les sépultures des soldats portugais. Les dépouilles de Richebourg viennent essentiellement de 261 Cimetières, dont 88 en Allemagne, 23 en Belgique, 149 en France et un en Hollande.

Des recherches faites et croisements de différents fichiers, Maria José de Oliveira, dans son livre «Prisioneiros portugueses da primeira Guerra Mundial» conclue que des 7.000 soldats portugais prisonniers, au moins 259 seraient décédés. Parmi ceux-là, 146 auraient été rapatriés au Cimetière de Richebourg. On ignore où sont enterrés les autres 76. 21 seraient dans des cimetières en Allemagne, 8 en Belgique, un à Lisboa et 7 en d’autres cimetières en France (3 à Gondecourt, un à Fresnes, 2 à Pont du Hem et un à Lille Sud).

Tous ces chiffres sont à manier avec précaution.

Nous avons voulu rendre hommage au soldat portugais José Maria Cerqueira, que la littérature signale avoir été enterré au Cimetière de Lille-sud, 4ème ligne-bloc 7-1 tombes 3. Malgré les recherches entreprises sur le terrain et dans les fiches du cimetière, nous n’avons pas trouvé trace de ce soldat qui y serait enterré. Une des hypothèse serait que ce dernier ait été rapatrié au Cimetière de Richebourg.

Concernant les soldats enterrés à Richebourg: 111 seraient des soldats inconnus, décédés le 09 avril 1918. Des soldats inconnus au cimetière portugais, sur un total de 238, presque la moitié seraient donc décédés le 1er jour de la Bataille de La Lys.

D’autres soldats inconnus qui reposent au cimetière, 7 sont décédés avant la bataille, 40 après la bataille et pour 80 on ne connaît pas la date du décès. Nous pensons que la grosse majorité de ces derniers auraient perdu la vie pendant le premier jour de la Bataille de La Lys.

Voici quelques chiffres sur la Bataille, pour alimenter la réflexion:

Nous avons comptabilisé, parmi les soldats enterrés à Richebourg, pour un total de 1.831, que 1.065 auraient perdu la vie avant le 09 avril 1918, 111 soldats inconnus ont perdu la vie le 09 avril et 45 soldats connus ont décédé ce même 09 avril 1918.

Reste la question, parmi les soldats inconnus et avec une date inconnue de décès, pour un total de 80, combien ont-ils péri le 09 avril?

Autrement dit, entre 686 et 766 enterrés seraient décédés après le 09 avril, de suite de blessures, maladies, en captivité…

Sur les soldats enterrés à Boulogne, il est curieux de noter que 42 sur 44 sont morts avant le 1er jour de la Bataille de La Lys et qu’il n’y a pas de soldats inconnus. Ils seraient tous déclarés comme décédés au combat (?).

Si on considère que pour les Portugais morts pendant la première Guerre, le chiffre est de 2.266 et que 1.831 sont dans le Cimetière Militaire Portugais de Richebourg, 435 autres soldats seraient enterrés dans d’autres cimetières. Deux sont à Salomé, 1 à Lille, 1 à Lille Sud, 3 à Gondecourt, 1 à Fresnes, 21 en différents cimetières en Allemagne, un à Lisboa, 7 en Belgique et… on ignorerait dans quels cimetières sont 399 soldats !

Il est évident que nos chiffres ne sont pas fiables à 100 %. Dans ce domaine, peut-on avoir des chiffres fiables avec un tel pourcentage?

Les curieux ou puristes auront sûrement des chiffres encore plus précis. Faisait partie de ceux-là notre ami Afonso Maia. Il parcourait les cimetières de la région à la recherche d’indices.

L’exploitation de tout le matériel qu’il nous a laissé, permettra, nous en sommes sûrs, d’affiner les chiffres. Petite curiosité: lors des cérémonies de 2017, alors qu’il était encore parmi nous, il nous a montré quelque chose d’unique: une photo d’une tombe avec deux soldats enterrés, un Portugais et un Allemand. Avec son décès, la photo n’a pas encore été repérée et donc on ignore où cette sépulture est située.

Puriste, Afonso Maia l’était… à plusieurs reprises, lors des cérémonies à Richebourg et La Couture, il nous faisait remarquer le combien, les Officiels exagéraient dans les discours certains chiffres, mélangeant le chiffre des décédés avec le nombre de blessés ou faits prisonniers.

En revenant sur l’un des documents qui a alimenté partie de notre réflexion, «Relação dos Militares Portugueses nos Cimetérios de Richebourg l’Avoué, Boulogne-sur-mer e Antuérpia», citons les motifs indiqués du décès des soldats portugais enterrés dans ces 3 cimetières: 1.623 seraient morts au combat, 6 de maladie, 11 avec indication «falecido» et 244 on ne connaît pas le motif.

Ces derniers chiffres nous paraissent discutables… qu’englobe par ailleurs le terme «falecido». Le nombre de malades est selon nous minoré, ne serait-ce en comptabilisant tous ceux qui sont morts dans les champs de prisonniers en Allemagne et enterrés à Richebourg. Sous quelle rubrique sont classés la dizaine d’homicides et tous les accidentés?

En conversation avec Afonso Maia, il nous disait, parfois d’une façon polémique, que selon lui, il y a eu plus de morts portugais accidentés, qu’au combat.

Le seul soldat portugais fusillé pendant la 1re Guerre, le 16 septembre 1917, João Augusto Ferreira Almeida, est considéré dans les soldats morts au combat.

Il est bien difficile de faire coïncider parfois les chiffres, les motifs et le changement de notions avec le temps.

Le chiffre de 5.200 blessés portugais pendant la 1re Guerre est cité. Que met-on sous cette rubrique?

D’autres rubriques, d’autres chiffres pourraient être cités, à l’exemple du grand-père de notre ami José Nogueira qui a été blessé le 09 avril 1918, il est décédé plus d’un demi-siècle après. Il a été blessé aux jambes, il en a souffert toute sa vie, jusqu’à être imputé des 2 jambes. Il en est mort.

Nous avons transcris beaucoup de chiffres que sont perfectibles. Nous nous exposons à de critiques. Notre seul but étant de faire connaître un des aspects de la participation portugaise à la 1ère Guerre: les victimes.

Pour finir, encore quelques chiffres que nous en disent au combien la 1ère Guerre a été terrible:

73,3 millions d’hommes ont été mobilisés, 48,2 millions par les puissances Alliées dont 7,9 millions de Français, 8,9 millions de Britanniques et 18 millions de Russes. 25,6 millions par les puissances centrales dont 13,2 millions d’Allemands et 9 millions d’Austro-Hongrois.

Le bilan humain du conflit s’élève à 9,5 millions de morts ou disparus dont 1,4 million de Français, 2 millions d’Allemands et 1,8 million de Russes. Parmi les grandes puissances, c’est proportionnellement la France qui est le pays le plus touché avec la mort de près d’un soldat sur cinq. La Serbie détient cependant le record avec près de 40% de son armée décimée. Selon l’historien Antoine Prost, il manque 1 million de morts non comptabilisés par les différentes armées: les prisonniers morts en détention, les soldats décédés des suites de leurs blessures après leur démobilisation ou encore ceux victimes de maladie.

 

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