Jean de Roubaix a vécu entre 1368 et 1449. Il a été envoyé au Portugal pour négocier le mariage de la Princesse Isabelle, fille du roi D. João 1er et de Filipa de Lencastre avec Philippe III, duc de Bourgogne (Philippe Le Bon). On était dans la deuxième dynastie du Portugal, la dynastie d’Avis.
Au niveau historique, le Portugal avait déjà de bonnes relations avec les pays du nord de l’Europe, alors que la période des découvertes débutait avec l’arrivée à Madère en 1419 et aux Açores en 1427.
Mais Jean de Roubaix – connu aussi sous le nom de Jean V de Roubaix – a, à sa façon, contribué au développement des relations, déjà bien ancrées, entre le Royaume du Portugal et la Flandre (lire ICI, ICI, ICI et ICI).
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Jean de Roubaix restera au Portugal entre le 19 octobre 1428 et le 6 décembre 1429. Pour négocier le mariage ? Oui, mais pas seulement.
Alors que l’espérance de vie, à l’époque, tourne autour de 25 ans, du fait de la très grosse mortalité enfantine, la princesse Isabelle, née en 1397, au moment d’être approchée pour le mariage avec Philippe III était déjà âgée de 31 ans, son futur mari avait, à peine, un an de plus, toutefois veuf déjà deux fois.
Lors de la missive au Portugal, Jean de Roubaix s’est fait accompagner par le Bègue de Lannoy, de son véritable nom Baudouin de Lannoy.
Conseiller de Philippe le Bon, Bègue de Lannoy a été ambassadeur de Philippe auprès du roi Henry V d’Angleterre, il a également été Gouverneur du bailliage de Lille, Douai et Orchies, un des membres fondateurs de l’Ordre de la Toison d’Or, à Bruges, avec Philippe Le Bon.
Le téléphone, l’internet, l’aviation… étaient bien loin pour communiquer, pour envoyer une photo… on a donc fait appel à un peintre pour accompagner Jean de Roubaix, Jan Van Eyck. Le but du voyage, de ce dernier, étant qu’il réalise un portrait de la princesse pour envoyer à Philippe III pour que décision soit prise sur le mariage.
Au mois de janvier 1429, au château d’Avis (Portalegre), Jan Van Eyck réalise le portrait de la princesse, il sera envoyé à Philippe III.
Les négociations terminées et le feu vert confirmé par Philippe III, le contrat est signé à Sintra le 6 juin 1429. Jean de Roubaix «épouse» pour son maître, par procuration, Isabelle, le 25 juillet 1429.
Deux portraits auraient été exécutés ou peut-être un original duquel a été faite une copie. L’orignal, ou un de ces deux portraits, a été perdu. Sur le pourtour du tableau, on peut lire : «C’est la pourtraiture qui fu envoiée a Philippe duc de Bourgogne et de Brabant, de Dame Isabel, fille de roi Jean de Portugal et d’Algarbe, seigneur de Septe par lui conquise, qui fu depuis femme et épouse de dessus dit duc Philippe».
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Revenons au début. L’ambassadeur Jean de Roubaix embarque à Écluse, avant-port de Bruges avec douze galères vénitiennes, le 19 octobre 1428, pour arriver à Lisboa deux mois plus tard, le 18 décembre. Alors que les bateaux sont encore au large de Lisboa, un émissaire est envoyé pour un premier contact avec le roi du Portugal, João1er, pour annoncer l’arrivée de Jean de Roubaix et le motif de sa venue.
Le roi du Portugal envoie des princes de sang et des notables pour accueillir Jean de Roubaix et sa délégation. Une joyeuse et honorable réception est organisée.
Entouré des Infantes, le roi reçoit les envoyés de Philippe III de Bourgogne, dit Philippe Le Bon. Les négociations débutent.
Le peintre Jan Van Eyck peint le portrait de l’infante Isabelle. Les ambassadeurs enquêtent sur la renommée, ses mœurs et les vertus de l’Infante et en février, 4 messagers, deux par terre et deux par mer sont envoyés à Philippe III de Bourgogne pour transmettre les bons renseignements recueillis, montrer le portrait et mettre au courant l’avancée des pourparlers.
Pendant ce temps, en attendant la réponse de l’intéressé, Jean de Roubaix et sa suite, vont prier à Saint Jacques de Compostelle, vont visiter les rois de Castille et Grenade, ainsi que plusieurs autres seigneurs.
La réponse du duc de Bourgogne est arrivée, les négociations reprennent de plus belle et le traité est signé le 6 juin et le 24 juillet à Sintra, devant notaire. Le lendemain, dimanche, le seigneur de Roubaix, au nom du duc de Bourgogne, épouse par procuration Isabelle, en présence du roi, de sa famille, de plusieurs prélats, de nombreux chevaliers et dames.
Le départ de la duchesse est fixé à la fin septembre. Le roi du Portugal, suite au traité signé, s’engage à faire transporter, à ses frais, sa fille jusqu’en Flandre où l’époux l’attend. Une fête grandiose est donnée par l’Infant Édouard avant le départ de sa sœur, Jean de Roubaix mange à côté du roi.
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Isabelle quitte le Portugal le 8 octobre 1429 avec une suite de 2.000 personnes. La flotte, composée de 14 gros navires, subit une grosse tempête, 5 navires, dont celui de la duchesse se réfugient en Galicie, on considère les autres 9 navires comme perdus. Jean de Roubaix au même moment tombe malade, il se fait soigner. Les bateaux ne repartiront que le 25 novembre.
Les galères ne sont pas terminées. Une erreur de pilotage conduit le bateau de Jean et de Isabelle sur les côtes de l’Angleterre. Le seigneur de Roubaix, sans Isabelle, arrive à Écluse le 6 décembre pour annoncer à Philippe III de Bourgogne que la princesse est saine et sauve en Angleterre. Toutefois une rumeur commence à circuler, celle que la duchesse Isabelle serait définitivement égarée en Angleterre.
Sous la direction du Seigneur de Roubaix, appelé aussi Jean V ou Jean de Roubaix, deux navires partent pour aller chercher la princesse égarée. On la retrouve, et, à midi, le jour de Noël, elle débarque à Écluse. Une fête démesurée l’accueille. Le 7 janvier 1430, le mariage est célébré par l’évêque de Tournai en présence d’un petit nombre de hauts dignitaires laïques et ecclésiastiques, ainsi que de Jean de Roubaix.
La grande fête est programmée ailleurs, lors de la rentrée solennelle de la duchesse à Bruges, le 8 janvier. Une foule immense et enthousiaste attend la duchesse, somptueusement vêtue. Des seigneurs portugais, flamands et bourguignons l’attendent et la suivent à pied, à l’exception du duc Ferdinand, frère d’Isabelle et Jean de Roubaix, qui l’accompagnent à cheval pour des raisons de santé.
C’est à l’occasion de cette fête splendide, du mariage entre Philippe et Isabelle, qu’est créée l’Ordre de la Toison-d’Or, dont Jean V est le 3ème des 24 dignitaires.
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Le couple Philippe III de Bourgogne, appelé aussi Philippe Le Bon et Isabelle dit du Portugal auront 3 enfants, dont deux meurent en bas-âge. Le dernier, Charles, né le 10 novembre 1433, à Dijon, succédera à son père, connu dans l’histoire comme Charles le Téméraire.
Lors de la naissance de son fils Charles – futur Charles le Téméraire – Isabelle décide de le nourrir au sein, se méfiant des nourrices à qui elle a attribué la mort des autres deux enfants qu’elle a eu avec Philippe III de Bourgogne.
La Duchesse a disposé de ressources abondantes, provenant de ses domaines en Flandre, Artois et Bourgogne, ainsi que de dons et d’aides votés par les États.
Femme très raffinée et intelligente, elle aime s’entourer d’artistes et de poètes, notamment Jan van Eyck et Roger van der Weyden. Son hôtel forme un milieu protégé d’hommes et de femmes, nobles ou roturiers.
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Le Duc associe son épouse au Gouvernement de l’État bourguignon et, en son absence, elle dispose de complètes délégations de pouvoir.
En politique, Isabel du Portugal a exercé une grande influence sur son fils et après qu’elle a eu représenté son mari dans diverses missions diplomatiques, notamment lors de mariages entre plusieurs maisons royales en Europe.
Très respectée à l’époque, Isabelle a été surnommée «La Grande Dame».
Son influence s’est même exercée au niveau commercial – elle a aidé les marchands portugais basés à Bruges, à développer les échanges entre le Portugal et la Flandre.
En raison de son influence, les Açores sont devenues le foyer d’innombrables personnes d’origine flamande à partir de 1449.
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La Duchesse partage la vie itinérante de son époux, essentiellement aux Pays-Bas, entre ses résidences de Bruxelles, Bruges, Lille, Hesdin, Gand et Dijon. À sa demande, en 1455 et en 1457, son hôtel est dissous et elle se retire de la cour pour vivre dans la charité et encourager les formes nouvelles de vie religieuse, s’installant dans son château de La Motte-au-Bois (Nord), au cœur de la forêt de Nieppe.
Le château de la Motte au Bois a, en partie, été fait construire par Mathilde de Portugal (1151-1218), connue aussi sous le nom de Teresa de Portugal, fille d’Afonso Henriques(1109-1185) premier roi du Portugal et de Mathilde ou Mahaut de Maurienne, dite de Savoie. Mathilde du Portugal a épousé Philippe d’Alsace.
Philippe le Bon s’éteint à Bruges le 15 juin 1467. Isabelle ne reviendra à la vie publique que pendant les premières années (1467-1471) du règne de son fils Charles le Téméraire, jouant un rôle de conseiller politique.
La Duchesse meurt le 17 décembre 1471 en son château d’Aire-sur-La-Lys en Artois (Pas-de-Calais) et rejoint son époux dans la nécropole de la Chartreuse de Champmol, à Dijon.
Signalons le fait que la ville d’Aire-sur-La-Lys apparaît à plusieurs occasions tout au long de l’histoire du Portugal (lire ICI et ICI).
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La grosse majorité des 2.000 portugais qui ont accompagné la duchesse en 1429 jusqu’en Flandre, rentreront au pays. Quelques-uns ont servi le duc et la duchesse pendant quelques années, d’autres sont restés définitivement.
Suite à de graves évènements au Portugal en 1449, un groupe important de portugais arrivent en Flandre pour se réfugier, ces derniers suivent les trois neveux de la duchesse Isabelle : Jean, Jacques et Béatrice de Coimbra.
Jean de Roubaix (ou Jehan de Roubaix, ou Jean V ou Seigneur de Roubaix), grâce à ses nombreux succès firent de lui un des seigneurs les plus puissants de l’époque, tant financièrement que par l’influence dont il jouissait auprès des ducs de Bourgogne. Il fut le premier Chambellan du duché de Bourgogne sous Jean Sans Peur et conserva ce poste quand lui succéda Philippe III Le Bon, ce qui explique son voyage au Portugal. Jean meurt en 1449. Son fils, Pierre de Roubaix, lui succède comme Chambellan du duché de Bourgogne.
Le peintre Jan Van Dyck décédera le 9 juillet 1441, à Bruges. Il a servi grande partie de sa vie le Duc de Bourgogne. Il sera notamment chargé de missions exceptionnelles et secrètes.
Isabelle du Portugal restera dans l’histoire de France comme l’épouse la plus influente tant au niveau diplomatique que politique, très généreuse dans son ou plutôt ses testaments, elle gâtera beaucoup de nobles, institutions religieuses, proches d’origine portugaise, elle aura cependant su demander à des moments de mariages de familiers et autres auprès de villes et sujets sur lesquelles elle régnait, que de beau et somptueux cadeaux soient «offerts» à ses protégé (e)s.