La Contemporaine | Arnaldo Garcez

La présence portugaise à Boulogne-sur-Mer et le littoral, depuis la I Guerre mondiale

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Lors de la Grande Guerre, la ville de Boulogne-sur-Mer vit à l’heure anglaise. Elle connait un brassage des populations civiles et militaires (1). Dès 1914, les réfugiés civils du Nord-Pas-de-Calais fuient l’avancée allemande. Arrivent les travailleurs et soldats de diverses nationalités, dont portugaise.

Les Archives municipales ont présenté, pendant le Centenaire de 14-18, des expositions diverses, dont une relative aux Américains et l’arrivée du Général Pershing en 1917 et une consacrée aux travailleurs coloniaux égyptiens et chinois. Parmi les traces de la présence des Portugais sur le littoral, certaines sont mémorielles comme le monument et les sépultures de soldats au cimetière de l’est. D’autres sont écrites, la lecture de documents anciens permet de préciser des informations.

 

Les traces mémorielles au cimetière communal de Boulogne-sur-Mer (2)

Parmi les lieux de sépulture des soldats portugais morts en France, se trouve le Cimetière de l’est de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais).

Le dimanche 27 novembre 1938 est inauguré dans ce lieu le Mémorial des Portugais. Le monument devant lequel défilent les officiels et associations d’anciens combattants est couvert d’un voile aux couleurs françaises et portugaises (photo journal Excelsior jointe).

La France est représentée par Auguste Champetier de Ribes, Ministre des Anciens Combattants et Pensionnés, pendant la présidence française d’Albert Lebrun.

Le Portugal est représenté par Pedro Cid, Consul général à Paris de 1914 à 1938, du Colonel Júlio de Abreu Campos (dossier militaire aux archives historiques portugaises) et de José Pedro Ferreira dos Santos, créateur et directeur de la « Casa de Portugal » à Paris en 1931.

Shirley Pereira, Vice-Consul du Portugal à Boulogne-sur-Mer, accompagne Eugène Canu, Maire de la ville.

 

Quand Raul et les autres s’en vont en guerre… (3)

Le littoral du Pas-de-Calais concentre des bases militaires britanniques, dès le début de la guerre, et portugaises à partir de 1917 : installations portuaires, hôpitaux, dépôts logistiques, camps d’entraînement.

Les villes, Étaples (photo jointe d’une sépulture portugaise au cimetière militaire en mars 1918), Le Touquet (Paris-Plage), Boulogne, Calais, ont une importance stratégique du fait de la proximité avec la Grande-Bretagne et le front britannique des Flandres.

Pour certains Officiers portugais, le littoral, la mer, la région de Boulogne et Paris-Plage sont décrits comme une région « paradisiaque » : Quartier Général de base (Ambleteuse), dépôts de base, hôpitaux de base et autres bases « heureuses »…

Avant la guerre, Boulogne est déjà une ville escale avec le développement du trafic transatlantique. Pendant la guerre, le port et les habitants vivent au rythme des embarquements et débarquements. La I Guerre en fait un nœud ferroviaire et naval et donc soumise aux bombardements ennemis.

Pour rappel, un Officier du nom de José Saraiva est mort en mai 1919 de tuberculose. Il est évacué au Portugal à bord du ‘Gascon’ (probablement le paquebot transformé en navire-hôpital ‘La Gascogne’) en passant par Boulogne-sur-Mer (4).

Dans son travail concernant l’hôpital d’Hendaye, Helena da Silva précise les conditions de transport des soldats (officiers ?) évacués d’Ambleteuse. « Ils parcourent plus de 1.000 kilomètres en trois jours. Les Portugais sont d’abord transportés en ambulance d’Ambleteuse à la gare de Boulogne-sur-Mer, puis en train jusqu’à Paris, à nouveau en ambulance entre les deux gares parisiennes puis en train jusqu’à Hendaye ».

Le soldat-photographe Arnaldo Garcez est également passé par Boulogne-sur-Mer, pour photographier les troupes portugaises à Londres, lors des fêtes de la victoire de juillet 1919.

Raul de Carvalho (3), médecin portugais pendant la guerre, donne dans ses écrits les lieux, sur le littoral, de la présence portugaise : « Calais, Sangatte, Ambleteuse, Wimereux, Boulogne-sur-Mer, Etaples, Paris-plage, Camiers ». Il nomme les effectifs médicaux portugais en 1917, au poste de secours portugais d’Ambleteuse, aux hôpitaux britanniques de Wimereux ; les points de chute à Boulogne-sur-mer : la cantine, le dépôt des attachés de base (DAB), le service postal portugais de campagne, puis son affectation à l’hôpital n°2 d’Ambleteuse.

Les hôpitaux sont nombreux à Boulogne-sur-Mer, aménagés dans les salles du Casino, les hôtels, dans des baraquements. Les nombre de blessés et taux de mortalité élevés expliquent la présence de soldats portugais dans les cimetières du littoral, avant le déplacement des corps au Cimetière militaire de Richebourg. Ils sont morts des suites de blessure ou maladie, aussi lors de l’hécatombe grippale de fin de guerre à laquelle a succombé Sabino Guerreiro (d’Aljustrel).

 

Récits d’instituteurs restés dans le territoire occupé par les armées alliées (5)

Une enquête est menée auprès de l’Académie de Lille au printemps 1920. Elle vise à recueillir les récits et témoignages d’instituteurs, élèves… de leurs souvenirs de la I Guerre mondiale.

Dans le boulonnais, Samer, Desvres, les instituteurs se souviennent du passage des soldats portugais.

A Samer, en avril 1918 (photo jointe), on se souvient du passage des 2 divisions en retraite, après la Bataille de la Lys.

L’institutrice d’une école de filles de Desvres se souvient que la ville a été occupée par les troupes alliées, « Portugais, Anglais, Ecossais, Canadiens, Américains, Australiens, Néo-Zélandais ».

Les instituteurs des écoles de Boulogne-sur-Mer racontent la présence des soldats, Français, Britanniques, Hindous, Portugais et travailleurs chinois. Les récits sont divergents : « Des détachements portugais passèrent sans se fixer », « En 1917, quelques détachements portugais sont venus séjourner à Boulogne », « Les troupes alliées portugaises ont occupé la ville de Boulogne-sur-Mer de 1917 à 1918 ».

Les enfants et les soldats britanniques entretenaient de bonnes relations, friandises et cigarettes à volonté, mots anglais répétés à souhait (plenty, good, thank you…). Les travailleurs coloniaux ne circulaient pas en ville, les Chinois inquiétaient les enfants. Une indifférence est constatée pour les soldats portugais, les récits manquent pour raconter les relations entretenues par les civils et les soldats.

 

Aparté :

A Boulogne-sur-Mer, base arrière hospitalière, une anglaise (document joint) est volontaire lorsque l’armée recrute les femmes (Women’s Légion, devenue plus tard Women’s Army Auxiliary Corps-WAAC) pour aider, pallier à l’absence des hommes, occupés aux tranchées. Un texte est écrit en 1966 par Ada C.L. Gummersall. Avec 15 autres anglaises, elle occupe l’hôtel du commerce, Rue Thiers, où passent certains blessés. Elles se plaignent de la nourriture. Parmi ses nombreuses fonctions, dont celles de nourrir soldats et marins, Ada est au contact de diverses nationalités. Elle s’exprime sur les travailleurs chinois et portugais.

La présence de travailleurs portugais à Boulogne est à approfondir… Confondus avec des travailleurs égyptiens, bien présents ? Confondus avec des soldats du CEP ?

Lire ICI.

 

Quelques mariages luso-français à Boulogne-sur-Mer (6)

Les idylles entre soldats portugais et françaises conduisent à des mariages après-guerre.

Celui qui deviendra Vice-Consul du Portugal à Boulogne-sur-Mer, Ruy Pereira épouse en octobre 1920 Adélaide Parent. Ancien soldat du Corps Expéditionnaire Portugais (CEP), il est dit ingénieur né à Lisboa, elle est couturière.

Un autre Pereira né à Batalha épouse, en mars 1920, Julie Hoyer. Il s’agit de José Pereira, menuisier. Aucun bulletin militaire n’est trouvé, mais les témoins du mariage sont deux soldats du CEP : José Caetano et Ricardo Ferreira, tailleur né à Porto.

José Caetano, cordonnier, a épousé Thérèse Laplatine en juillet 1921. Il est né à Pedrógão, Torres Novas.

Manuel Dias, ancien soldat du CEP né à Paranhos, est tailleur lorsqu’il épouse en juillet 1922 Louise Playe. Le témoin est José Santos, employé de commerce.

Amaro da Costa Oliveira, ancien soldat du CEP, épouse Marie Gransard en mars 1920. Il est dit propriétaire, né à Belém, Lisboa.

On note aussi Manuel de Jesus, du nom de sa mère, marié en avril 1921 avec Marie Adeline Thouron.

 

Ce n’est qu’un échantillon d’une grande communauté portugaise, installée en France après la I Guerre mondiale.

La ville de Boulogne-sur-Mer, bien plus grande que Blessy ou Ambleteuse, un long travail de dépouillement des registres d’état civil est nécessaire pour approfondir ces mariages mixtes luso-français.

Ceci sans compter les unions libres… A suivre ?

 

Notes et sources :

(1) Archives municipales de Boulogne-sur-Mer

(2) Presse ancienne de la Bibliothèque nationale de France, Gallica (L’Excelsior, le Phare de la Loire, l’Action française, l’Echo d’Alger)

(3) Raul de Carvalho, livre « Quando Raul foi a guerra »

(4) https://lusojornal.com/i-guerre-mondiale-officiers-portugais-et-mulheres-francesas/

(5) Récits de la Bibliothèque de documentation internationale, La Contemporaine

(6) Archives départementales du Pas-de-Calais.

 

Xavier Boniface https://books.openedition.org/septentrion/7598?lang=fr

Helena da Silva : Un hôpital portugais en France pendant la Grande Guerre.

 

 

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