Ma maison au Portugal

Enfant de parents immigrés arrivés en Charente en 1938 pour mon père et en 1946 pour ma mère et ses deux progénitures, je suis né à Roumazières face à l’usine des tuileries.

J’ai ensuite grandi et suivi ma scolarité à l’école publique du Petit-Madieu, en compagnie de mes jeunes frères et de mes camarades de l’époque. Nous étions ensemble, petits français, enfants de réfugiés d’espagnols, d’italiens, de polonais et de portugais. Entre nous, pas de différence.

Nos parents travaillaient tous très dur à l’usine et ne rechignaient pas à la tache pour relever cette France que la seconde guerre mondiale avait mis à terre.

Puis, la vie nous a éparpillé et chacun a suivi sa voie guidé par ses activités professionnelles, sur place pour certains ou ailleurs dans le pays pour d’autres.

Moi, j’ai quitté Roumazières à 20 ans pour m’installer à Angoulême où j’ai occupé un emploi dans le secteur des industries électrique et gazière et ce jusqu’à ma retraite professionnelle.

La retraite: Ce cap à franchir, je l’ai passé avec plein de projets en tête que je n’avais pu réaliser avant faute de temps. Enfin j’allais pouvoir écrire mon livre, celui de l’arrivée de mes parents en France et… acheter une maison de vacances au Portugal.

Dans un premier temps, mon souhait était de trouver une modeste maison dans le village d’où étaient partis mes parents. Un retour aux sources en quelque sorte.

Première difficulté: Mes cousins qui habitent le village et n’ont jamais migré vers la France, se sont opposés à ce que j’achète une «vieille maison». Les vieilles maisons, c’est pour les pauvres disaient-ils! Toi, tu es riche. Tu dois te faire construire une belle maison comme tous les «emigrantes» pour faire voir que tu as réussi et que tu es riche!

Mais… je ne suis pas «emigrante», je suis français et pas… très riche, juste ce qu’il faut pour vivre convenablement.

Finalement, devant l’obstination des cousins, j’ai battu en retraite et abandonné mon projet. Tant pis pour mes parents, je ne pourrai pas m’installer dans leur village et y passer mes vacances.

Les Portugais du Nord ont la tête aussi dure que les Bretons! Sans doute leurs origines celtes… Mais ils ne savaient pas à qui ils avaient à faire les cousins!

Je partais donc à la recherche de ma maison dans les villages alentours, là où on ne me connaissait pas. Et miracle, dans la journée, je trouvais une maison. Celle que je cherchais. Construite de blocs de granit, sise au beau milieu d’un petit village perdu dans la montagne à quelques pas de la ville.

Je l’avais mon château!

Évidemment, il y avait beaucoup de travaux pour l’habiter, car, à part les murs, tout le reste devait être changé. Mais le travail ne me rebutait pas et avec mes copains qui viendraient me donner un coup de main, ça devrait le faire.

En 2002, année de ma retraite professionnelle, je démarrais donc les travaux de réhabilitation. Pas grand-chose: la toiture, la charpente, les planchers, les sanitaires, l’électricité… enfin tout à refaire sauf les murs.

Les villageois se demandaient bien qui pouvait être cet étranger qui venait dans leur village et entreprenait des travaux sans faire appel à de la main d’œuvre du coin. C’étaient qui tous ces Français qui travaillaient dans cette baraque en blouse bleue et portant des casques de sécurité?

C’est louche tout ça!

Dans un élan de générosité et surtout pour m’en débarrasser, je distribuais aux voisins les vieilles tuiles qui pouvaient encore servir et les poutres et planchers pour le feu de cheminée. Les habitants rassurés commencèrent à nous ouvrir leurs maisons et leurs caves.

Les relations étaient enfin établies. Je n’étais pas un sauvage!

Par la suite, nous avons partagé des liens d’amitié avec les voisins en organisant des apéros dans la cour et des matchs de foot le jour de la fête du village.

Ma nouvelle intégration était réussie.

Quoique! Si mon nom est à 100 % à consonance portugaise, il n’en reste pas moins vrai que pour les gens du village je reste, Manuel le Français.

En France je suis considéré comme Portugais et au Portugal comme… Français.

C’est ainsi… Je suis Européen et cela me convient.