Opinion : Le Portugal, un des États au Monde les plus tolérants ?

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Des sondages, des statistiques disent que le Portugal est le 5ème pays au monde où les personnes ont le sentiment d’être le plus en sécurité.

Au vu des commentaires d’article récent dans LusoJornal et de photos que je viens de recevoir d’un ami du Portugal, je me demande si le Portugal n’est pas l’un des pays au monde des plus tolérant, à l’image de certaines lois sociétales votées au parlement portugais et qui sont passées dans l’opinion publique comme presque «des lettres à la poste», alors que dans beaucoup de pays, même dits démocratiques, cela aurait provoqué des manifestations monstres.

On me demande, parfois, ici en France, comment cela se passe avec le thème de laïcité et comment il est traité au Portugal. Je n’ai peut-être pas totalement raison, mais je ne vois pas que le thème de laïcité au Portugal pose, tout au moins pour l’instant, de problème particulier et qu’il soit sujet de débats «acharnés» au pays de Camões.

Revenons à nos moutons… aux photos !

Les photos que j’ai reçues viennent de Vimieiro, commune du canton de Santa Comba Dão. Des photos de la tombe d’António de Oliveira Salazar.

Nous pensons que, tout être humain doit être rappelé, honoré par les siens, toutefois les photos et les dires sur la tombe de Oliveira Salazar m’interpellent.

Rappelons que Salazar est né le 28 avril 1889 à Vimieiro et est mort le 27 juillet 1970 à Lisboa. Sa tombe est dans le cimetière de son village natal. Il a été Ministre des finances après le coup d’État du 28 mai 1926 de Óscar Carmona et Premier Ministre entre 1932 et 1968, moment où il a été victime d’un accident vasculaire, même si personnellement il a cru gouverner, «régner» jusqu’à sa mort.

Sur la plaque qu’indique que là est enterré Oliveira Salazar est écrit en portugais: «O homem mais poderoso de Portugal do século XX, e modelo sem igual. Nasceu humilde e humilde cresceu. Viveu humilde e humilde morreu, Dr. Oliveira Salazar : havemos de chorar os mortos se os vivos o não merecem, o errar é próprio dos homens, mas até à data foi o maior estadista e mais honesto governante de Portugal».

On pourrait traduire ces phrases par : «L’homme le plus puissant du Portugal du XXe siècle et un modèle sans précédent. Il est né humble et humble a grandi. Il a vécu humblement et humblement est mort, Dr. Oliveira Salazar : Pleurons les morts si les vivants ne le méritent pas, l’erreur est dans la nature des hommes, mais jusqu’à présent, il a été le plus grand homme d’État et le dirigeant le plus honnête du Portugal».

On pourrait se dire qu’il y a un certain respect de ce qui a été écrit sur la tombe de Salazar au moment de son enterrement. La chronologie des événements, contredit ces dires.

Ces écrits ont été gravés fin 1995, 31 ans après la fin de la dictature au Portugal. De 1970 et jusqu’à cette date, la sépulture de Salazar était constituée, tout simplement d’une pierre tombale dans laquelle était écrite la date de sa mort et les initiales de son nom (AOL). Des nostalgiques de Salazar finissaient par mettre des fleurs dans des tombes d’à côté, tellement la tombe était anonyme.

Une petite plaque sur la tombe avec une photo du dictateur dit «Viverás eternamente nos corações de milhões de portugueses», «Tu vivras éternellement dans le cœur de millions de portugais».

Quel pays, même démocratique, accepterait d’avoir sur la tombe d’un dictateur de tels dires ?

Notons qu’il y a tout juste 12 ans, le 31 août 2011, par-dessus de ces phrases, des tags sont apparus.

Des polémiques existent, telles que la mise en exergue d’un des deux bustes que possède dans sa cave la municipalité de Santa Comba Dão, la création et repose d’une nouvelle statue à la suite de l’enlèvement d’une existante avant le 25 avril, la création d’un musée sur «O Estado Novo» dans la maison de naissance de Salazar, à Vimieiro.

De toute évidence, cette maison que l’on voit sur les photos, a besoin de restauration, même au niveau extérieur.

Des nostalgiques du Régime font des pèlerinages au cimetière, au moins une fois par an, lors de la date anniversaire de la mort d’António de Oliveira Salazar.

Étonnant sont les chiffres d’un sondage de 2007 réalisé au Portugal par la BBC et publié par la RTP qui plaçait António de Oliveira Salazar comme la personnalité la plus importante de l’histoire du Portugal à 41%. D’autres études similaires plaçant même Salazar devant Vasco da Gama, alors que le parti «Chega» n’existait pas encore.

Étonnant que les Portugais de plus de 50 ans aient oublié les souffrances qu’ils ont eu à subir du temps de Salazar et que ceux de moins de 50 ans soient dans immédiateté, oubliant ou ne connaissant pas l’histoire de leur pays, planté au bord de mer… et les Camões et les Pedro Álvares Cabral et les Afonso Henriques, et les Marquês de Pombal et les… et les…

On dit parfois «Pauvres de nous qui perdons la mémoire». Ne pouvons-nous pas l’appliquer aux pays? « *Pauvres les pays qui perdent la mémoire».

Pour nous, Portugais qui vivons en France, comment peut-on oublier que nos parents et/ou nos grands-parents ont été obligés de partir clandestinement du pays pour une vie meilleure, traversant les frontières, marchant à travers montagnes ? Comment oublier les bidonvilles occupés à l’arrivée en France ? Comment oublier nos familiers prisonniers politiques, et pas que, de la police salazariste, la PIDE ? Comment oublier l’état de guerre dans les anciennes colonies, la perte de jeunes soldats, le sacrifice de générations de jeunes gens ? Comment oublier l’état d’analphabétisme du peuple portugais lors de la dictature ? Comment oublier l’assassinat d’opposants politiques et d’un candidat à la Présidence de la République ? Comment oublier le non droit à voter ? Comment oublier que si vous n’aviez pas de quoi donner au prêtre, la «Congra», vous étiez considérés communistes et cela était suffisant pour aller en prison ? Comment oublier ?

Nous vient à la mémoire, juin 1974. Nous étions dans un collège de prêtres, une excursion est organisée pour aller visiter Coimbra et les ruines romaines de Conimbriga. Au retour, on passe devant la maison d’António de Oliveira Salazar et l’autocar s’arrête pour qu’on prie en l’honneur de celui-ci.

Si on faisait un sondage aujourd’hui, de la personnalité la plus influente de l’histoire du Portugal, serions-nous surpris qu’on dise que c’est Cristiano Ronaldo ?

Le Portugal «uma democracia de brandos costumes?», de la «saudade» ? De la nostalgie d’un État et d’états qu’on n’a même pas connus ?

Le danger est là : si nous oublions l’histoire, l’histoire, parfois malheureusement, se rappellera à nous.

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