Souvenirs de voyages en train: Portugal-France, France-Portugal

L’été est là, synonyme, pour beaucoup d’entre nous, de vacances et de retour aux sources: le Portugal.

De nos allers-retours France-Portugal, Portugal-France il y a des souvenirs qui resteront dans notre mémoire individuelle, dans notre mémoire collective.

Premier souvenir, fin août 1967, voyage Fundão-Tourcoing. Nous sommes à la fin d’une époque, celle des trains à charbon, premier voyage, première aventure de notre enfance. Il y a le son de la locomotive, la fumée libérée et sa trace qui restera dans notre mémoire d’enfant.

C’est le début de l’émigration massive Portugal-France, le train est plein, les sièges sont en bois, toutefois pas assez nombreux pour accueillir tous les passagers. Les enfants s’allongent le long des couloirs pour dormir. Pour bouger, aller aux toilettes, cela relevait du parcours du combattant.

Une année de labeur pour nos parents et premier retour au pays natal. Nous sommes encore jeunes, mais nos bras sont déjà bien outils pour aider à monter, à bouger valises, cabas et toutes sortes de volumes plus ou moins encombrants, plus ou moins difformes. Pour que les valises ne perdent pas les poignées, celles-ci sont renforcées, des cordages et sotchs renforcent le tout.

Pourvu qu’à la frontière entre Hendaye et Irún la police des frontières ne soit pas trop zélée…

Le premier voyage entre Tourcoing et Hendaye se passe plutôt bien, la première frontière France-Espagne aussi, les difficultés viendront après. Début août, la chaleur se fait sentir, les trains du retour arrivent les uns derrière les autres à Irún. Dans la gare d’Irún il y a du monde partout. Nous avons dû attendre 12 heures avant de voir arriver les premiers trains venus du Portugal pour récupérer tout ce peuple.

C’est le sauve-qui-peut. Des valises passent par les portes, les fenêtres… de sorte qu’à un moment donné, la moitié de la famille est coincée à l’intérieur du train et l’autre à l’extérieur. Que faire? Par chance, un deuxième train arrive, les valises ressortent ainsi qu’une partie des passagers pour prendre d’assaut le deuxième train.

Dans ses années-là il y avait du lourd dans les valises! De la France vers le Portugal, c’était les chocolats, les bonbons, les souvenirs que nous prenions pour distribuer à la famille restée au pays. Pour le voyage de retour c’était les bouteilles de Porto, le chorizo, le jambon fumé, les pois chiches… et, camouflés comme étant de l’eau bénite de Fátima, l’eau-de-vie.

Il y avait du moins lourd: les billets de banque, fruit d’une année de labeur, d’économie et de sacrifices. Une pochette cousue dans le sous-vêtement faisait l’affaire.

Entre la France et l’Espagne, la largeur des rails est différente, de sorte qu’on doit trimballer valises et autres engins entre les deux frontières à la main. La Police des frontières nous attendait. Pour éviter leurs regards et l’éventuel contrôle, on fait semblant de ne pas les voir… de ne pas les entendre. Parfois les choses ne se passaient pas trop mal, à condition de bien vouloir se priver d’une bouteille.

Traverser l’Espagne en train était un peu l’inconnu.

On peut dire que les contrôleurs faisant bien leur boulot! Les trains s’arrêtaient pour des raisons jamais expliquées, parfois dans la cambrousse, toutefois ils n’oubliaient pas de faire payer la taxe «excesso de velocidade», excès de vitesse! C’était toujours un moment de dialogue de sourds entre nous et les contrôleurs: pourquoi payer, alors que le billet avait été intégralement payé chez Wasteels, pour un excès de vitesse alors que le train était à l’arrêt?

Entre les francs, les pesetas et les escudos, les cours n’étaient pas tellement officiels, c’était à la tête du voyageur.

Arrivé à Fuentes d’Oñoro, un arrêt important s’imposait. C’était la course pour aller chercher les poupées, du pain… et le moment choisi par de veilles dames, pour rentrer dans le train et vendre avec la complicité des contrôleurs, les petits flacons de parfum «tabou», de quoi sentir bon pendant toute une année. Nous, qui travaillons déjà en banque, nous nous souvenons de billets arrivés dans nos mains encore chauds et avec ce parfum, pas toujours bien odorant!

Qu’ils étaient bienheureux ces jeunes français partis à l’aventure et à la découverte du Portugal! Ils n’avaient pas besoin de prendre à manger. À l’heure du repas, tout le monde reprenait des forces, les uns en mangeant et en offrant le poulet grillé, d’autres le lapin, la morue, le saucisson… et le bon «tintolas», vin.

Pas besoin de frigo. Le «garrafão» pendait à l’extérieur du compartiment accroché par une ficelle. À ce moment du voyage, il y avait une précaution à prendre: ne pas trop ouvrir la fenêtre, sous risque de voir re-entrer dans son compartiment les restes à manger du comportement de devant.

On était loin de la guerre entre les taxis et les VTC, toutefois, des compatriotes avaient flairé le filon et se proposaient de nous transporter entre la gare d’Austerlitz et la gare du Nord, dans leur voiture particulière à des prix qui étaient souvent plus chers que ceux des taxis. Il y avait toutefois un avantage, ils ne rechignaient pas sur les bagages… le prix étant parfois proportionnel au nombre de valises.

Parmi les souvenirs, l’un nous restera pour toujours: un homme affolé est rentré dans notre compartiment en Espagne. Il s’est caché pendant des heures en haut du compartiment derrière les valises. Se cachait-il parce que clandestin comme il prétendait, ou venait-il de commettre un vol ou tout autre violence?

De nos voyages en train, les trains couchette resteront pour nous des bons souvenirs. Le voyage passait même plus vite, même si parfois il fallait supporter quelques odeurs.

La forme des compartiments, les couloirs… permettront de bons moments de partage, de convivialité et de belles rencontres. Combien de couples ne se sont-ils pas connus ainsi… combien de naissances…

Que les choses ont bien changé à l’aire du TGV: on ne se parle plus, on dialogue avec son portable ou sa tablette. Rares sont les compatriotes qui utilisent de nos jours le train, d’autant plus que le projet de TGV reliant Paris à Lisboa a été abandonné.

Mes souvenirs. Vos souvenirs?

Souvenirs qui resteront!