Albrecht Dürer

«Vamos dar Mundos novos ao Mundo» (1): La géopolitique du Cinquième Paradigme est en marche…

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«Si dans les dix prochaines années nous n’avons pas réussi à donner une âme à l’Europe, à lui donner une spiritualité et un sens, le jeu sera fini» (3) dit Jacques Delors, Président de la Commission européenne de 1985 à 1992.

«Tout ce que j’ai fait d’important dans ma vie, ce n’est pas par ma ‘science’, mais par ma préscience, et l’âge est venu d’en prendre enfin conscience»!
dit Jean Malaurie (explorateur français) in De la Pierre à l’âme, 2022, éditions Plon.

Dalila L. Pereira da Costa affirme avec une grande conviction : «Agora, mais do que nunca, a teologia deverá impregnar a nossa história e filosofia, e filosofia da história. E em toda a consciência, Portugal deve ver-se a si próprio nessa história, como aquela nação do Ocidente que em si detém o poder de abrir e fechar ciclos históricos : aos descobrimentos portugueses, se seguindo neste nosso século, – como o do fim da Idade Moderna, que eles próprios teriam aberto, – a Revolução portuguesa, como força de fim e começo duma idade seguinte, em todo o seu poder de destruição e criação (…) (4). Les évènements que nous vivons semblent aller dans le sens de l’écrivaine et philosophe portugaise.

Le 13 octobre 2019 (5), nous fêtions dans une petite ville de la banlieue parisienne les 700 ans de la chevalerie de l’Ordre du Christ dont le Grand Maître est l’actuel Chef d’État portugais. Ce jour-là, le public local, français, portugais et étranger, a surtout été surpris par le défilé de deux magnifiques chevaux lusitaniens conduits par deux magnifiques amazones. L’évènement a été retransmis sur RTPi et LusoJornal. Pratiquement personne ne savait que la Croix de la Chevalerie de l’Ordre du Christ était l’emblème des Grandes Découvertes portugaises ! Personne non plus savait que le Christ Chevalier sur son cheval blanc est le symbole central de l’Apocalypse de Saint-Jean !

Trois jours plus tard, le Président de la Corée du Nord se présentait sur la montagne sacrée avec un cheval blanc. La presse internationale s’interrogeait sur la symbolique de cette chevauchée ? Trois mois plus tard, le 22 janvier 2020, le Directeur général de l’ONU, l’ex-Premier Ministre portugais António Guterres dira que les quatre chevaux de l’Apocalypse sont là ! Intervenant devant l’Assemblée générale, M. Guterres annonce l’avènement des quatre cavaliers : « Tensions géopolitiques, crise climatique, méfiance » et, enfin, « le côté obscur du monde numérique». En septembre 2020, António Guterres réédite « Pourtant, le cinquième cavalier se cachait alors dans l’ombre. Depuis janvier, le cavalier de la pandémie de Covid galope dans le monde entier. Il a rejoint les quatre autres cavaliers et a accru la force destructrice de chacun d’entre eux », a déclaré le chef de l’ONU ! Après deux années de pandémie, le Pape François affirme que nous vivons aujourd’hui une troisième guerre mondiale.

Monsieur António Guterres, face à ces évènements alarmants, annonce-t-il la fin d’un cycle ? Est-il le prophète du Cinquième Paradigme ? Le petit peuple portugais a toujours été un peuple messianique, bercé dans la tradition eschatologique sémite, juive et islamique ! Toute la haute littérature lyrique de tradition lusitanienne chante l’avènement de l’Empire de l’Esprit. Le peuple portugais espère la Civilisation de l’Universel depuis sa fondation en 1139. Le Portugal, l’un des tout premiers Etat-Nation, est le pays de l’Universalisme Transcendantal.

Face à l’universalisme nihiliste prôné par une petite poignée d’États occidentaux européens et une poignée de leaders mondiaux, le Portugal offre une alternative pour le XXIème à travers son universalisme transcendantal. Le Portugal, par son histoire, sa culture et sa langue, a toujours cherché, défendu et promu le principe d’unité. Le Portugal, par des actions politiques en faveur de la Paix dans le monde, s’est positionné comme le pays du dialogue, de la dialogique, autrement dit du dépassement des dualismes politiques, sociologiques et économiques.

Une langue messianique

La langue portugaise, langue de la globalisation par excellence au XVIème siècle, reste une langue diplomatique capable de naviguer « en basse et haute mer ». Mais la langue portugaise est bien plus que cela ! La langue portugaise est une langue liturgique par essence naturellement porteuse d’une « Bonne Nouvelle ».

Le mot « Saudade », défini par le roi D. Duarte au XVème siècle dans son Traité du Conseiller Loyal, exprime tout l’art de la coïncidence des opposés du théologien Nicolas de Cues, de conjuguer le passé et le futur au présent. Le jésuite António Vieira n’a-t-il pas écrit une Histoire du Futur du Portugal ? La langue portugaise est une langue abrahamique, messianique et eschatologique. C’est la langue de la sphère du réel et de la sphère de l’imaginaire, la double sphère de D. Manuel I qui exprime au fonds l’Être Absolu et l’Être Relatif, dont parle le philosophe Hegel, mais que les Portugais expriment à travers les verbes « Ser » et « Estar ».

Le Verbe « Ser » définit l’être hors de l’espace et du temps. « Estar » c’est être dans l’espace et le temps. La langue portugaise est même capable d’aller au-delà de cette dualité en considérant que l’être peut-être simultanément hors et dans l’espace et le temps, autrement dit, une disposition naturelle pour la physique des « quantas » et la physique de l’Infini!

La langue portugaise est non seulement intraspécifique, mais aussi interspécifique. La langue portugaise, langue discursive, intuitive et charnelle, autorise le dialogue entre humains – d’Orient et d’Occident – et non-humains autrement dit les pierres, les plantes, les animaux, les anges et les dieux.

Le poète portugais Fernando Pessoa disait : « Sentir tout de toutes les manières » formule qui exprime l’essence même de la linguistique lusitanienne et de la portugalité de manière plus générale. L’Universalisme Transcendantal lusitanien, que les anciens poètes, prophètes et maîtres de la littérature portugaise (Bandarra, Camões, Vieira, Sampaio Bruno, Teixeira de Pascoais, Pessoa, Agostinho da Silva) avaient baptisé « Quint Empire », constitue aujourd’hui la seule vraie Utopie universelle capable de renverser la civilisation du matérialisme, du nihilisme et du relativisme.

L’Anthropologue français Philippe Descola a défini quatre manières de voir le monde : le naturalisme, l’animisme, le totémisme et l’analogisme. L’ensemble des cultures humaines se répartissent à travers ce modèle anthropologique quadratique.

La pensée portugaise a pensé une cinquième ontologie capable d’appréhender l’unité de ces quatre ontologies primordiales. L’anthropologie portugaise, contrairement à l’anthropologie structuraliste française foncièrement dualiste et positiviste, appréhende le monde à travers une dynamique unitaire et non dualiste. La pensée française envisage la séparation du corps et de l’esprit dans la pure tradition cartésienne. La pensée philosophique portugaise affirme que l’Humanité tout entière est Corps, Esprit et Âme d’où sa parfaite compatibilité avec le monde oriental. La cinquième ontologie portugaise unifie l’Orient et l’Occident.

La Civilisation de l’Universelle de Léopold Sédar Senghor, poète de la francophonie, est l’expression de cet universalisme transcendantal lusitanien. L’Universalisme Transcendantal Lusitanien se reconnaît dans les encycliques et déclarations de l’actuel Pape François. L’Universalisme Transcendantal autrement dit l’Universalisme de l’infiniment Ouvert, dépasse l’universalisme anthropocentré engendrant un humanisme totalement clos c’est-à-dire un humanisme des fausses lumières !

L’Universalisme Transcendantal n’est pas exclusivement lusitanien ; il s’exprime aussi dans le romantisme français de Châteaubriand, Victor Hugo ou Huysmans.

L’actuel Saint Père, jésuite de formation, n’est au fond, que le porte-parole d’un autre jésuite portugais, le Padre António Vieira, artisan majeur de l’Universalisme Transcendantal Lusitanien à travers son œuvre monumentale intitulée Histoire du Futur du Portugal adressée à l’archevêque du Japon composée à la fin du XVIIème siècle. Curieusement, le 30 mai 2022, deux chercheurs de l’Université de Lisbonne affirment avoir découvert l’original de la prophétie du poète jésuite portugais intitulé Clavis Prophetarum (6).

Le Traité de Tordesillas de 1494 entre Le Portugal, l’Espagne et Rome avait cette vocation d’un Universalisme Transcendantal qui finalement s’est corrompu pour des raisons intrinsèques et extrinsèques (tensions géopolitiques entre la péninsule Ibérique et le reste de l’Europe). L’expansion portugaise avait une dynamique transcendantale clairement affirmée et reconnue par les meilleurs historiens de l’histoire impériale portugaise : « Luís Filipe Thomaz a mis en évidence l’existence, à la cour de D. Manuel I, d’un messianisme d’un genre sensiblement différent » (7).

L’idéal lusitanien de la cinquième ontologie signifie l’unité de trois dimensions fondamentales dans la construction des sociétés : La Nature, le Logos et le Mythe. C’est donc une vision holistique du monde. L’Humanité ne peut être dissociée de la Nature, mais elle ne peut être non plus pensée pleinement sans la Sacralité, le Numineux et donc le Mythologique.

Comme le dit l’écrivain portugais Miguel Torga, l’homme « intérieurement unifié » pense la conjugaison du « naturel, du rationnel et de l’irrationnel ». Le mythe constitue le socle d’une société, le feu d’une civilisation et l’âme de l’Humanité. Les droits universaux excluant le mythe, le Transcendant finissent par créer une société sclérosée, fragmentée et moribonde.

Les chevaux de l’Apocalypse : Mercantilisme, militarisme, positivisme et nihilisme

Le Portugal aurait-il donc pour mission de définir la géopolitique du Cinquième Paradigme ?

Mais avant de définir un Cinquième Paradigme, n’est-il pas logique de rappeler les quatre premiers paradigmes et les maîtres occidentaux de ces conceptions du Monde.

1 – Le mercantilisme anglais est le premier paradigme qui apparaît juste avant la Révolution française de 1789. Son principal artisan est Adam Smith. Il est le prophète du libéralisme matérialiste ;

2 – Le second paradigme, le militarisme américain, est sans aucun doute l’expression de l’Amérique du Nord. Alfred Mahan est le prophète de la « guerre business ». « Le grand stratège militaire américain Alfred Mahan remarquait à la fin du XIXème siècle que les intérêts politiques, commerciaux et militaires « sont tellement entremêlés que leur interaction mutuelle constitue un même ensemble ». Ayant conquis le contrôle des mers, une flotte peut favoriser la puissance économique de son pays en maintenant son accès aux ressources mondiales, tout en étranglant l’économie ennemie. Mahan cherchait à exprimer la synthèse entre les deux traditions : commerciale et militaro-territoriale en avançant que, en dernière analyse, la guerre n’est pas un combat armé, mais avant tout un « business » (8) ;

3 – Le positivisme français de Augustin Comte, héritier en ligne droite de la philosophie des Lumières, de la Laïcité révolutionnaire de 1789 a phagocyté l’anthropologie et la sociologie occidentale. Il est le troisième paradigme ;

4 – Et enfin, le nihilisme germanique ayant donné une estocade à la philosophie de l’Être. Pour Marx, la religion est « l’opium du peuple » et Friedrich Wilhelm Nietzsche affirme que « Dieu est mort ». Cette philosophie forme le quatrième paradigme de l’âge de fer, de l’âge sombre !

Ces quatre idéologies occidentales sont comme les quatre chevaux de Zeus qui n’ont plus de meneur, de guide n’étant plus que des chevaux aveugles. L’Occident, comparé à Phaéton de Ovide, a prétendu gouverner le monde avec ces quatre paradigmes, ces quatre destriers apocalyptiques. Dans son arrogance, l’Occident a perdu le contrôle de son attelage à quatre chevaux, qui affolés, galopent dans toutes les directions et provoquent le chaos ontologique.

D’une certaine manière, ces quatre idéologies sont aussi les quatre cavaliers de l’Apocalypse : Le premier cavalier monté sur un cheval blanc représente l’arrogance d’une globalisation mercantiliste sauvage. Le second cavalier, dont le cheval est rouge, incarne l’impérialisme militaire dévastateur. Le troisième cavalier, sur son cheval noir, est la figure de la rationalité scientifique sans éthique et sans unité abandonnant l’idéal de la Vérité. En fin, le dernier cavalier, chevauchant un destrier verdâtre, symbolise la philosophie nihiliste, relativiste, égolâtre et matérialiste.

Le Cinquième Paradigme a lui aussi son cavalier baptisé « O encoberto » qui viendra un jour de brume sur son cheval blanc. Qui est-il ? Que symbolise -t-il ? Quand viendra-t-il ? C’est le Portugal lorsqu’il admettra et acceptera sa vocation de Civilisation de l’Universel !

Le Cinquième Paradigme n’est rien d’autre que l’Empire du Verbe, de la « langue primordiale », de la langue de l’Être Absolu, de la langue « Mère », de la langue « Anima » :
« 11 Puis je vis le ciel ouvert, et voici, parut un cheval blanc. Celui qui le montait s’appelle Fidèle et Véritable, et il juge et combat avec justice.

12 Ses yeux étaient comme une flamme de feu; sur sa tête étaient plusieurs diadèmes; il avait un nom écrit, que personne ne connaît, si ce n’est lui-même ;

13 et il était revêtu d’un vêtement teint de sang. Son nom est la Parole de Dieu.

14 Les armées qui sont dans le ciel le suivaient sur des chevaux blancs, revêtues d’un fin lin, blanc, pur.

15 De sa bouche sortait une épée aiguë, pour frapper les nations ; il les paîtra avec une verge de fer ; et il foulera la cuve du vin de l’ardente colère du Dieu tout puissant.

16 Il avait sur son vêtement et sur sa cuisse un nom écrit : Roi des rois et Seigneur des seigneurs (9).

Le psychiatre Jung avait distingué la langue « Animus » de la langue « Anima ». La première est celle de l’Homo Economicus. La seconde est-elle de l’âme ? C’est la langue de l’universelle, celle qui autorise la dialogique de l’humain et du non-humain !

Fernando Pessoa a dit que la langue portugaise est sa patrie et a appréhendé la géopolitique du Cinquième Paradigme ainsi : « Heureusement, nous avons le mythe sébastianiste qui plonge loin ses racines dans le passé et l’âme portugaise. Notre tâche est ainsi plus facile : nous n’avons pas à créer un mythe mais juste à le rénover. Commençons par nous enivrer de ce rêve, par l’intégrer à nous-mêmes, par l’incarner. Une fois cela accompli indépendamment par chacun de nous, seul avec lui-même, le rêve nourrira tout ce que nous dirons ou écrirons. Ainsi une atmosphère sera créée, que nous tous respirerons – nous comme les autres. Alors surviendra dans l’âme de la nation le phénomène imprévisible qui donnera naissance aux Nouvelles Découvertes, à un Monde nouveau, au Cinquième Empire. Et le Roy D. Sébastien sera de retour » sur son cheval blanc, un matin de brume comme l’annonce la prophétie de Bandarra, le prophète des quartiers des Juifs marranes.

Selon le poète portugais, l’Impérialisme du Futur est un Impérialisme de l’Esprit. L’Ibérie sera encore selon lui ce fer de lance de la Cinquième Ontologie.

Liberté et Destinée

Agostinho da Silva, poète et philosophe, confirme la vision de Pessoa : « Então creio que, aí, o que seria realmente, extremamente interessante é que a entrada da Ibéria na Europa fosse a faísca detonadora da mistura. Pode haver muitas vezes uma mistura de gases, por exemplo, que não detona porque eles estão ali concentrados e não há nenhuma faísca que seja capaz de fazer eclodir a explosação. E podia ser que a Ibéria, que é muito diferente da Europa e que partilha tanto do que é a Africa e do que é a América Latina, possa realmente fazer que essa mistura vá explodir não num lugar pouco preparado, como seria talvez o Japão, onde o peso da tradição é demasiadamente forte, ou à América, onde o peso da juventude é tão forte como o da velhice no Japão, e que ela estaria perfeitamente equilibarada para aí a explosão se desse no sentido criador. Então seria uma missão extremamente importante para o conjunto de Portugal, e da Espanha, que poderiam trazer consigo quilo que lhes está adstrito na África e aquilo que lhes está adstrito na América, logo para sul do Rio Grande, isto é, o México até Argentina (…). De maneira que essa entrada da Ibéria pode ser uma espécie de renovação da Europa, pode ser uma vacina que lance para caminhos em que ela própria hesitou e de que ela própria teve medo (…) » (10)

En Europe occidentale, seul le Portugal associé à l’Espagne a la potentialité d’unir l’Orient et l’Occident, la raison discursive et la raison intuitive, la science et la mystique autrement dit la « raison et l’oraison » comme le disait si bien Jean Guitton, de l’Académie Française, le penseur de la Liberté et de la Destinée !

Élu le 24 janvier 2016, le nouveau Président de la République portugaise, Marcelo Rebelo de Sousa, professeur de droit à l’Université de Lisbonne, commentateur vedette d’une émission culturelle à la télévision portugaise, issu d’une formation politique de droite libérale, semble de manière discrète rejoindre la pensée de Agostinho da Silva. En effet, lors de l’inauguration des installations d’une entreprise nationale, il évoque la nécessité pour le Portugal de conjuguer le « pain matériel » et le « pain spirituel » : « O futuro próximo de Portugal passa pela conjugação do ‘pão’ material e do ‘pão’ espiritual. Quando fala em ‘pão material’, o Presidente da República refere-se à necessidade de ‘criar riqueza, com rigor, bom senso e os pés assentes na terra, mas criando emprego’, e quanto ao ‘pão espiritual’, Marcelo Rebelo de Sousa quer sublinhar a necessidade de olhar para ‘as coisas do espírito, para a cultura’ ».

Le Portugal a pour vocation à conjuguer les deux dimensions de l’être : Liberté et Destinée. Une Liberté conceptuelle, nihiliste et égoïste qui évince la Destinée est une Liberté de sophiste et non une authentique liberté de philosophe qui sait conjuguer « l’esprit de géométrie et l’esprit de finesse » de Pascal !

Le grand maître écuyer Nuno Oliveira a représenté cet idéal français sous la forme de deux chevaux présentés à Paris en 1968 : « Euclide et Beau Geste » (11) !

Décadence de l’université

Les quatre facteurs de chaos – mercantilisme anglais, militarisme américain, positivisme français et nihilisme allemand… – conduisent l’Europe et l’Occident au Néant. L’université laïque occidentale est le haut lieu où se conjuguent ces quatre forces destructrices, les quatre poisons de l’Humanité…

L’ensemble des universitaires européens savent que l’université occidentale est corrompue au sens épistémologique. L’université occidentale devient progressivement l’esclave d’un capitalisme sauvage, ultra markéting, le Centre de Recherche et Développement d’une industrie aveugle, cupide, vénale, dont le symbole numérique est certainement le 666 ! La science n’est plus la quête de la Vérité mais la quête de la Notoriété ! L’ultra spécialisation scientifique est devenue un cache-misère, une niche marketing, un puit que l’on creuse à l’infini, finalement le labyrinthe du Minotaure.

L’université occidentale évolue vers un savoir fragmenté sans cohérence interne, un authentique navire à la dérive. L’université laïque occidentale deviendra-t-elle le lieu de l’obscurantisme scientiste ? Le Pape François affirme qu’il « faut désarmer la science » ! Pas uniquement celle qui conduit à la mort physique mais aussi et surtout celle qui conduit à la mort spirituelle !

Le Portugal possède, quant à lui, une vision éducative alternative, un antidote à la corruption des lieux du savoir et de la connaissance universelle : « la leçon de la sphère » inaugurée le 25 janvier 2020 simultanément à Lisbonne et à Paris Sorbonne Nouvelle (12), le laboratoire du cinquième paradigme ! d’une éducation holistique, « du langage de la main, du cœur et du cerveau » (13) !

Créons l’Université de demain qui enseigne l’union de l’être et non-être, qui dépasse les dualismes comme le dit François Cheng de l’Académie française : « En Occident, les penseurs les plus lucides en ont mesuré depuis longtemps les limites et les dangers » ! Et il ajoute que seule « la pensée ternaire (Trinitaire pourrions-nous ajouter), de fait, est seule capable de nous ouvrir la voie du dépassement » (14)!

Le Chemin du Pacte éducatif du Pape François est l’une des voies royales (15)!


Mais ne nous réjouissons pas aussi vite ! Une autre grande nation a une vocation ancestrale à unir l’Orient et l’Occident : c’est la Russie Impériale de Saint-Georges sur son cheval blanc terrassant le Dragon, la Russie de la Troisième Rome ! Comme le dit l’historienne Hélène Carrère d’Encausse dans son ouvrage La Russie entre deux mondes (16), ceux qui croient au retour de la guerre froide, à la dialectique du libéralisme et du socialisme, se trompent franchement.

Les États-nations envisagent, avec plus ou moins de violences, un retour aux mythes fondateurs ! L’extrémisme religieux ou l’extrémisme politique constituent la plus haute expression de cette dynamique civilisationnelle. Le psychiatre suisse Carl Gustav Jung avait montré que si l’on chasse les Dieux, ils reviendraient à terme avec plus de violence, telle est la vision d’un psychologue des profondeurs !

Le mythe est le feu des Nations ! Le feu crée et détruit ! Fernando Pessoa disait que le mythe est le « Rien qui est le Tout » !

Le loup et l’agneau !

Pour terminer notre réflexion, le Portugal serait-il l’Agneau ? Et la Russie le Loup ? Qui unira « le Loup et l’Agneau » pour qu’ils habitent la « Maison Commune » en paix selon la prophétie de Isaïe ? La légende dit que Saint-François aurait amadoué le Loup de Gubbio ! Croyons sincèrement que ce Mythe deviendra Réalité !

Ne peut-on pas dire finalement que chaque Nation est Loup et Agneau selon les cycles de l’Histoire de l’Humanité ? Les chevaliers d’autrefois disaient que la « vilénie et la noblesse » est en chaque homme à l’instar des plumes blanches et des plumes noires de la pie !

En réponse aux mauvaises langues, aux philosophies du non-être, nous affirmons que notre propos n’est pas d’offenser « le marchand, le chevalier, le savant et le philosophe » ! Notre ambition est surtout de révéler l’ordre des choses. Depuis 1986, l’Europe bureaucratique a méprisé « le paysan, le prêtre, l’artisan et le poète ». L’Europe bureaucratique, laïque, ultra législative a encore une fois « tué le Roi » ! L’Europe du Peuple, quant à elle, espère aujourd’hui le retour du « Roi caché » monté sur son cheval blanc un jour de brume !

Comme le dit le Chef d’État portugais Marcelo Rebelo de Sousa, nous avons besoin plus que jamais de « pain matériel et de pain spirituel » non seulement au Portugal, mais en Europe et dans le Monde ! L’Europe aujourd’hui n’offre que du « pain matériel » et des jeux du cirque !

Selon Pessoa, l’Europe laïque est le quatrième empire de fer ! Bandarra, inspirateur de Vieira et Pessoa, disait que le « cheval aveugle » sera le signe annonciateur de la fin de cet empire de fer ! (17)

Le cataclysme, que représente le Covid 19, montre en effet les fragmentations des sociétés humaines. La montée des revendications des minorités exprime un malaise global dans la gouvernance des états. L’Europe, avec le Brexit, est l’exemple d’un espace politique, social et économique désarticulé, sans unité intrinsèque.

L’Europe du XXIème est une Europe sans idéal et sans Utopie. La chancelière Angela Merkel a déclaré en 2007, lors de la présidence allemande, qu’elle comprend la critique adressée à l’Union Européenne par le pape. « Benoît XVI a en effet tancé la déclaration de Berlin pour son refus de mentionner Dieu ou les racines chrétiennes de l’Europe. La Chancelière, par ailleurs Présidente de l’UE en exercice, a reconnu que l’Europe devrait reconnaître d’une manière ou d’une autre son héritage judéo-chrétien, par un document annexe à la déclaration de Berlin, par exemple». Ajoutant qu’elle parlait à titre personnel, Angela Merkel a salué les valeurs judéo-chrétiennes comme constitutives de l’Union, indiquant aussi l’ancienneté des traditions laïques de certains États.

L’Europe se meurt car elle a fait le choix d’ignorer les principes historiques transcendantaux des sociétés européennes. La crise sanitaire actuel a montré l’absurdité d’un prétendu universalisme matérialiste et nihiliste capable de venir à bout de tous les maux des sociétés modernes en mobilisant des principes managériaux absurdes. Une société humaine bâtie sur l’idéal de la Consommation et de la suprématie des valeurs économiques et de l’Homo Economicus est une société vouée au déclin.

Quel est donc l’esprit idéal qui devrait la gouverner ?

Fernando Pessoa considérait que l’homme politique idéal (le Président d’une Europe par exemple ?) doit absolument être mystique (18) : « Si donc, toute politique doit essentiellement reposer sur une mystique, il doit à plus forte raison en être de même de la politique qui ne traite pas des problèmes ou des intérêts à court terme ou limités dans l’espace.

Nul souci de mysticisme quand on est Maire-adjoint, peu quand on est Maire, mais il en faut déjà un peu quand on est Préfet, n’en déplaise à ceux qui le sont ou l’ont été » (19).

L’ancien Président socialiste François Mitterrand conclut sa vie politique dans ce sens en affirmant : « j’ai une âme mystique et un cerveau rationaliste, je ne peux choisir entre les deux » (entretiens avec F. Olivier Giesbert). Qui incarne aujourd’hui en Europe cette Utopie socialiste qui au fond n’est rien d’autre que notre Cinquième Paradigme, notre « Quinto Império » bien lusitanien ?

À toi Portugal, patrie des de tous les poètes d’hier, d’aujourd’hui et de demain, le rôle de réanimer le feu de la « sphère du Monde » ! Mais prends garde à toi et médite le mythe d’Icare !

Je terminerai ici par un grand admirateur de Camões, à savoir Châteaubriand, le père du romantisme français qui a assisté aux grands bouleversements de l’ancien et du nouveau monde. Je pense que les Etats européens doivent sincèrement méditer ses paroles prophétiques pour construire une nouvelle Utopie :

« Le christianisme est l’appréciation la plus philosophique et la plus rationnelle de Dieu et de la Création ; il renferme les trois grandes lois de l’univers, la loi divine, la loi morale, la loi politique : la loi divine, unité de Dieu en trois personnes (Père, Fils et Saint Esprit) ; la loi morale (Foi, Esperance et Charité), charité (20) ; la loi politique, c’est-à-dire liberté, égalité, fraternité » (21). L’Homme éclairé comprendra donc le nombre 9 de la Divine comédie de Dante à travers cette belle citation de la grande littérature française !

Châteaubriand a médité le retour du « Roi caché » sur son cheval blanc sur l’île du « Corvo » aux Açores. En effet, dans son Génie du Christianisme et dans ses Mémoires d’Outre-Tombe, le père du romantisme français évoque la légende de la mystérieuse statue équestre, vestige d’une civilisation perdue, symbole de l’île des Amours de Camões qu’il découvrît lors de son voyage initiatique aux Amériques ! Châteaubriand est donc ainsi l’un des prophètes du Cinquième Paradigme !

L’avenir de l’Europe et du Monde se trouve inséré dans cette dernière formule ! A toi Portugal de le réaliser ! A toi langue portugaise, patrie de Pessoa, la mission universelle d’accueillir tous les exilés, tous les étrangers et tous les parias et leur ouvrir les portes « des nouvelles mers et des nouvelles terres » !


En conclusion, dans un contexte de philosophies de la déconstruction, de « cancel culture », de « théorie du genre », de culture « woke », de pensées de l’extrême qui semblent accélérer la fragmentation des sociétés occidentales, la géopolitique du Cinquième Paradigme est la seule voie du milieu, de la « raison discursive » et de la « raison intuitive », de l’Orient et de l’Occident et tout simplement de la paix. C’est tout simplement la diversité dans l’unité et non la diversité dans le chaos !

L’Humanité est Une et Multiple ! La nouvelle « colonisation idéologique » nihiliste précédemment exposée est le facteur majeur de cette troisième guerre mondiale « larvée » !

A toi Portugal de proclamer cette Vérité Universelle : le « mythe est le Rien qui est le Tout »… (22).

Carlos Henriques Pereira

Maître de conférences Sorbonne Nouvelle – Paris 3, HDR (2)



Notes :

(01) « Hymne portugais : ‘Nous allons donner des mondes nouveaux au monde » !

(02) Henriques Pereira, Carlos, maître de conférences à Sorbonne Nouvelle, docteur ès Etudes Lusophones à Paris 3 Sorbonne Nouvelle (2002), HDR (Habilité à Diriger des Recherches, 2022), linguiste, équinologue, économiste, diplômé de l’Université Paris Dauphine en sciences de gestion et sciences économiques (MSG, 1986 – 1990), professeur d’équitation de tradition portugaise (2005 à 2022), diplômé du Ministère des Sports (BPJEPS équitation de tradition et de travail – France, 2005), directeur du service marketing et communication Banque BCP – Paris (1995-2000), professeur de mathématiques financières à l’école des banquiers Centre de Formation de la Profession Bancaire – Paris La Défense (2000-2006), coordinateur du programme international d’équinologie conjointement avec l’Université de Kyoto (depuis 2016 à Serra Arga – Viana do Castelo – Portugal), fondateur de la Société française de Zoosémiotique (2018), Président de l’Institut du cheval et de l’équitation portugaise (2004), Président de l’Institut du cheval et des arts équestres japonais (2020), élève pilote d’avion privé (PPL) depuis 2021 et ex-navigant sur la compagnie aérienne UTA – Aéromaritime diplômé de la Direction Générale de l’Aviation Civile – DGAC/France (1988-1990).

(03) « Jacques Delors est probablement le Président d’Europe qui s’est engagé sur la voie d’un rôle significatif pour la religion dans l’intégration européenne. On lui doit néanmoins la pratique de la consultation entre les chefs religieux et les dirigeants de l’Union européenne, formalisée par l’article 17 du Traité de Lisbonne. Jacques Delors est sans doute l’homme politique européen qui a essayé de favoriser la dialogique religion et politique dans l’Union européenne ».

(04) Pereira da Costa, Dalila L. A Nova Atlântida, Lisboa : édições Lello e Irmão – Editores, 1977, p. 107

(05) Date des apparitions de Fátima (1917) au Portugal et de Akita au Japon (1973).

(06) https://agencia.ecclesia.pt/portal/igreja-portugal-manuscrito-original-da-clavis-prophetarum-escrito-fundamental-do-padre-antonio-vieira-apresentado-em-lisboa/

(07) Subrahmanyam, Sanjay. L’empire portugais d’Asie, 1500-1700, Paris : éditions Points, 1993, p. 98

(08) Steven Ekovich. « Libéralisme et militarisme aux États-Unis, des origines à l’âge post-industriel » in Politique américaine, 2005/2 (N°2), pages 63 à 77

(09) Apocalypse, 19-11-16

(10) Da Silva, Agostinho com Henryk Siewierski. Vida conversável, Lisboa : edições Zéfiro, 2020, pp. 367-371

(11) https://equitationportugaise.com/beau-geste-euclides-et-gentil-les-chevaux-portugais-du-quint-empire-essai-de-biographie-equine-par-carlos-pereira/

(12) http://www.univ-paris3.fr/medias/fichier/la-lec-807-on-de-la-sphe-768-re_1579013183211.pdf

(13) Expression attribuée au Pape François.

(14) Cheng, François. Le livre du Vide Médian, Paris : éditions Albin Michel, 2004, p. 11

(15) https://www.educationglobalcompact.org/resources/Risorse/instrumentum-laboris-fr.pdf

(16) Membre de l’Académie française, Carrère d’Encausse, Hélène. La Russie entre deux mondes, Paris : éditions Pluriel, 2011

(17) Documentaire ethnographique musée de Bandarra, Trancoso, Portugal.

(18) Les ignorants s’effraient face à la mystique ! Nous les invitons à lire le Château intérieur de Sainte Thérèse d’Ávila et le Livre des Haltes de l’Emir Abdel Kader ! Deux mystiques, l’un d’Occident et l’autre d’Orient, mais aussi deux visionnaires pragmatiques !

(19) Pessoa, Fernando. Le chemin du serpent, Paris : éditions Titre 72, 1991

(20) La Charité à la plus grande des trois vertus théologales selon Saint Paul.

(21) Châteaubriand. Mémoires d’Outre-Tombe, Paris : éditions Classiques Garnier, 1998, p. 1021

(22) Fernando Pessoa, Messagem.

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