L’enseignement du Portugais dans les Hauts de France est en danger

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Faisant suite à article de LusoJornal publié le 19 mai sur l’excellence de l’enseignement du Portugais au Lycée Montebello (1), plusieurs élèves ayant été primés au Concours International de Contes, nous avons souhaité poser quelques questions à la Proviseure du Lycée International Montebello, Florence Delannoy, sur l’enseignement du Portugais en France qui court un vrai danger avec des déserts qui sont en train de se créer. La région Lilloise étant un de ces exemples.

 

Le fait que Montebello soit un Lycée International, cela ne lui donne pas le «droit», ou une «facilité» dans la diffusion du Portugais?

Ce serait le cas pour un enseignement de Langue Vivante B, obligatoire, mais nous n’offrons le Portugais qu’en Langue Vivante C, optionnelle.

 

Ana da Silva Rocha, enseignante de Portugais dans votre lycée, à la suite de la journée Portes Ouvertes, aurait 15 élèves qui souhaiteraient suivre les cours de Portugais l’année scolaire 2022/2023, toutefois ils ne peuvent pas s’inscrire pour une question de dérogation. En quoi consistent les dérogations?

Chaque lycée public accueille en priorité les élèves de son secteur, c’est-à dire les élèves qui habitent à proximité. Des élèves habitant plus loin peuvent demander une entrée au lycée, mais ils ne sont admis que dans la limite des places disponibles, et le lycée n’en dispose jamais, étant très demandé. Pour être sûr d’obtenir une place, il faut demander une dérogation. Les dérogations étaient accordées avant la réforme pour les LVC, mais ne le sont plus actuellement.

 

Qui prend la décision à propos des dérogations?

C’est le Directeur académique, mais dans l’ordre des priorités, avec par exemple les problèmes de handicap. Chaque Académie peut adapter sa politique. Il existe effectivement des Académies dans lesquelles la dérogation est possible.

 

Avez-vous eu des contacts, des réunions avec le Rectorat de l’Académie de Lille sur le sujet du Portugais? Comment réagit-il?

Les deux années écoulées ont été difficiles à gérer, mais nous avons eu l’occasion d’évoquer la question. Aucune décision n’a encore été prise. C’est une question qui concerne également d’autres langues, comme le Polonais et l’Italien, par exemple.

 

Que peut-on promouvoir pour faire évoluer l’idée?

Réfléchir avec toutes les langues concernées et en prenant en compte tous les éléments, car rien n’est jamais simple. Notamment parce que le quartier autour du lycée accueille de nouveaux habitants en nombre et que le lycée est bien plein. Il est difficilement envisageable de proposer à des élèves voisins du lycée d’aller étudier plus loin.

 

L’avenir de l’enseignement du Portugais, comme par ailleurs du Polonais et de l’Italien ne serait-il pas en voie de disparition au Lycée International Montebello? Nous estimons que le cas est grave. Pendant l’année scolaire 2021/2022 il y a eu 10 inscrits en option Portugais à Montebello: 6 en seconde, 3 en première et un en terminale. Un seul élève est d’origine portugaise. On ne sait pas encore comment sera la prochaine année scolaire, notamment combien d’élèves seront inscrits en seconde. En utilisant une expression que nous pouvons dire triviale «c’est le serpent qui se mord la queue», le cas du lycée International Montebello en est un exemple. Malgré le fait qu’il soit considéré International cela ne résout pas le problème. La priorité étant donnée, selon décision gouvernementale, aux langues frontalières et à certaines options, le Portugais occupant une position lointaine dans les options prioritaires.

Oui, le serpent se mord la queue. 15 élèves voudraient apprendre le Portugais au lycée Montebello l’année prochaine, mais habitant un peu loin et comme il n’y a pas de dérogation, ils ne pourront pas s’inscrire. Comme il y a peu d’élèves relevant de la zone qui veulent suivre l’enseignement du Portugais, le résultat est que si rien n’est fait, le Portugais va disparaître dans ce lycée, comme dans bien d’autres et cela tout spécialement en province, puisque la région parisienne semble être un peu mieux prise en compte par le Ministère.

Une réunion de préparation à un Forum sur la langue Portugaise à l’automne prochain s’est tenue à l’Université de Lille III, Pont-de-Bois, le mercredi 8 juin, en présence d’une vingtaine de personnalités en liaison avec l’enseignement du Portugais dans les Hauts-de-France: était notamment présente Adelaide Cristovão, Coordinatrice de l’Enseignement du Portugais en France.

Celle-ci admet qu’effectivement l’une des priorités est la poursuite de l’apprentissage du Portugais dans des collèges et lycées, à l’exemple de Montebello et c’est pour cela qu’on doit luter. Toutefois comment faire? Comment luter? Auprès de qui? À quel niveau? Comment dépasser certains rouages, certaines normes administratives ou les faire évoluer?

La guerre n’est pas perdue, toutefois, à l’exemple de Montebello, le danger est grand. Les pourparlers vont être entamés, toutefois il est plus qu’urgent que toutes les parties y mettent du leur. Si on attend encore 1, 2 ou 3 ans, il n’y aura plus d’élèves de Portugais dans des structures telles que Montebello et l’on nous dira «comment voulez-vous développer l’enseignement du Portugais à tel ou tel endroit… il n’y a plus suffisamment d’élèves!»

Le désert de l’enseignement du portugais au niveau primaire est déjà un fait avéré dans le Nord: plus aucune école primaire n’enseigne le Portugais.

L’enseignement du Portugais disparaissant au niveau primaire, cela se répercute forcément au niveau secondaire, voire universitaire.

Les collèges et lycées qui proposent le Portugais dans la grande région des Hauts de France se comptent sur les doigts de deux mains. Bientôt uniquement sur les doigts d’une seule?

 

En France les structures qui gèrent l’enseignement selon le niveau sont différentes, de-là parfois la difficulté de coordination, de suivi, voire de logique. Un exemple: si vous souhaitez savoir, grâce aux moyens actuels, où existe l’enseignement du Portugais à différents niveaux, cela vous sera assez difficile. En effet, les sources sont diverses et pas toujours actualisées.

Le Portugais est en danger, comme le Polonais, l’Italien et bien d’autres LVC.

 

La question ne se pose pas que depuis cette année. Le Sénateur des Français établis hors de France a posé la question, publiée dans le Journal Officiel du 11 avril 2019: «La France et le Portugal ont noué des relations de confiance et d’amitié qui se traduisent notamment, sur le plan culturel et linguistique, par l’enseignement de la langue de nos partenaires. Il souhaite savoir si le Gouvernement entend se donner les moyens de pérenniser l’apprentissage de la langue Portugaise en France et de quelle manière il entend rassurer l’ensemble des acteurs préoccupés par cette réforme du baccalauréat et qui attendent du ministère de l’éducation nationale un véritable soutien pour faire face aux incertitudes auxquelles ils sont confrontés?».

Le gouvernement répond: «Introduit au début des années 1970 dans l’enseignement secondaire, le Portugais était alors majoritairement choisi en première langue par des élèves d’origine portugaise. Il est aujourd’hui principalement choisi par des élèves non lusophones, en seconde et en troisième langue. Dans le cadre de la réforme du lycée et du baccalauréat, l’enseignement de deux langues vivantes (A et B) est obligatoire pour tous les élèves de la voie générale et des séries technologiques. Le portugais y est proposé au titre des langues vivantes A et B ainsi qu’au titre de l’enseignement optionnel de langue vivante C. Par ailleurs, les sections internationales s’inscrivent dans le cadre de partenariats bilatéraux conclus entre la France et le Portugal. Elles préparent les élèves à présenter l’option internationale du brevet et du baccalauréat (OIB). La politique du ministère en matière de ressources humaines pour l’enseignement du Portugais va aussi dans le sens d’une tendance favorable …».

Très bien, question toutefois: pourquoi mène-t-on en Guyane Française et dans l’Île de France une certaine politique favorable à l’enseignement du Portugais et pourquoi ne pas l’élargir à la Province? Pourquoi devant une certaine réalité on n’adapte pas la loi, en concédant des dérogations, de sorte que les 15 élèves qui veulent apprendre le Portugais au Lycée International Montebello ne puissent le faire?

 

(1) https://lusojornal.com/lille-lexcellence-de-lenseignement-du-portugais-au-lycee-montebello-primee-au-concours-mondial-de-contes/

 

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